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6 octobre 2017 5 06 /10 /octobre /2017 15:57

MES CHER(E)S  AMI(E)S

JE VOUDRAIS AVANT TOUT PROPOS VOUS FAIRE MES SINCERES SALUTATIONS;. ENSUITE ME CONFONDRE EN EXCUSES. JE SUIS PARTI COMME UN BOSSU DE LA TOILE. LA VIE ET LES EVENEMENTS  DE LA VIE SONT PASSES PAR LA!!!

ENFIN, JE VOUDRAIS PRENDRE LA RESOLUTION EN CE JOUR HEUREUX POUR MOI, JOUR QUI DONNE ENCORE SENS A MA VIE DE NE PLUS VOUS ABANDONNER SANS RAISON DE FORCE MAJEURE. CROISONS TOUS LES DOIGTS ............ COMME ON DIT SOUVENT

AVEC LA PROFONDE CONVICTION QUE MES EXCUSES ONT ETE ACCEPTEES, JE VOUS OFFRE CETTE PETITE CHANSON QUE JE DEDIE A MON ENFANT EN CE JOUR, POUR LUI SOUHAITER TOUT LE MEILLLEUR DE LA TERRE ET DU COURAGE MALGRE LES DOULEURS DU MOMENT !!!!!!!!!!!!!!

 

LA VOILE

 

Voile blanche solitaire

Dans le brouillard bleu de la mer

Que cherche t-elle en ces eaux étrangères ?

Quelle raison la pousse si loin de sa terre ?

Autour d’elle, les vagues tumulteuses et le vent rudoyeur

Le mât opprimé et ses crépitements

Hélas ! Elle ne recherche guère le bonheur.

Mais au bonheur elle ne renoncerait aucunement.

Sous ses pieds le reflet clair d’azur

Sur son corps, la lueur dorée du soleil

Et elle, la rebelle, attend l’orage

Précurseur d’accalmie sur le rivage.

 

 

Heureux et joyeux anniversaire

Bonheur

Santé

Paix

Joie

Amour

Beauté

Réussite

 

 

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6 octobre 2017 5 06 /10 /octobre /2017 15:34

III°- Les interrogations.

            Nous avons dit plus haut que les éléments collectés à la suite de notre observation ont été inattendus. Et loin de rester à cette étape de surprise, nous avons voulu comprendre. D’où  la série de questions que nous avons formulées. A savoir : qu’est ce qui peut justifier de tels comportements de la part d’individus saints d’esprit ? Pourquoi éprouver le besoin d’installer un équipement dont ne se sert point ? Comment comprendre qu’un détenteur de téléphone portable méconnaisse son propre numéro d’appel ? Tout ceci parait irrationnel. Rappelez-vous, et nous nous permettons de le répéter dans les lignes qui suivent :

            « Que d’antennes paraboliques visibles sur les toits de certaines maisons, qui ne sont reliées à un poste téléviseur dans des concessions ! Et des postes téléviseurs qui siègent royalement sur un meuble de salon, mais soigneusement recouvert d’une nappe dans un foyer s’éclairant encore à la lampe tempête. Un ouvrier, un maître menuisier de son état qui aménage son bureau, en y installant une secrétaire assise devant un écran noir d’un ordinateur envahi par la poussière. Et parfaitement éteint. ».

            Ces interrogations ne sont pas gratuites. Et pour cause : aborder la problématique des TIC, c’est entrer dans le monde de la communication, si vous le voulez, dans la société de l’information. Et on peut être tenté de voir dans la démocratisation de la téléphonie mobile, la prolifération des antennes, des ordinateurs etc., une véritable avancée de notre société, une adhésion rapide à l’innovation technologique. Si tel était le cas, on pourrait oser dire que l’Afrique, le Bénin s’inscrit en contradiction de ce que soutiennent d’éminents chercheurs à propos de la diffusion des nouvelles technologies. « La diffusion des innovations prend un temps considérable en général. D. Dozier et R. Rice (1984) ont noté qu’aux Etats-Unis, il fallait attendre 100 ans pour que la moitié de la population lise régulièrement les journaux, 70 ans pour que le téléphone soit utilisé par la moitié de la population, 10 ans pour la diffusion de la radio et 10 ans pour la télévision en noir et blanc. Trente ans après son introduction, la télévision par câble a pénétré 20% de la population et selon les prévisions pour 1990, 7% des foyers devraient utiliser un vidéotex ».[1]

            Par ailleurs, les résultats de nos observations, auraient pu nous rendre optimiste au sujet de la croissance du niveau de compétence des populations rurales au Bénin, car comme le souligne LAZAR J. les nouveaux médias sont astucieux et exigent un minimum de compétence. « L’un des aspects particuliers de la plupart des objets techniques nouveaux est de fournir un moyen amélioré pour entrer en contact avec l’ « autre », c'est-à-dire l’interactivité », dit le chercheur. Il n’est donc pas suffisant d’acquérir un ordinateur ou un téléphone portable pour pouvoir s’en servir. « La compétence technique est également un facteur qui intervient dans l’accès aux nouveaux médias. La manipulation, quelque fois, demande une certaine connaissance technologique (nous avons vu dans le sous-chapitre consacré à l’usage, J. Jouet et C. Marvin & M. Winter). Il s’avère que l’accès aux nouveaux médias exige à la fois la possession de l’équipement et une compétence technologique »[2]

            A l’étape actuelle de nos observations, nous ne saurions dire que  les TIC ont  franchi le seuil de l’acceptation chez la population cible observée. Une fois qu’il est admis que nous avons affaire à une population à culture numérique proche du niveau zéro, on ne peut pas, ne pas chercher à analyser les motivations profondes des comportements observés.

 

            IV° Les TIC et les divers usages : typologie des utilisateurs

            Il est connu que même « quand les dispositions de la nouvelle technologie existent, elles ne sont pas utilisées de la même  manière. La majorité des personnes utilisent le magnétoscope uniquement pour leurs loisirs et enregistrent des films ou d’autres programmes ; tandis que d’autres, moins nombreux, s’en servent pour l’apprentissage d’une langue ou comme outil de travail »[3]. Ce postulat permet de dresser une typologie des utilisateurs de la même manière qu’on établit la typologie des audiences d’un média traditionnel.

            Une étude réalisée avec des universitaires volontaires, utilisateurs de l’ordinateur, donne une classification du public en cinq groupes, selon le niveau d’alphabétisation informatique :

  1. Les non utilisateurs. Ces individus vivent quotidiennement à côté des machines sans réaliser à quoi elles servent.
  2. Les « touristes », désignation attribuée aux gens qui utilisent occasionnellement l’ordinateur pour exécuter certaines tâches spécifiques. Ce sont des non programmeurs, qui utilisent les programmes des autres.
  3. Les programmeurs, qui écrivent déjà des programmes, même pour les autres, mais qui ne prennent pas de décisions importantes.
  4. Le groupe des « obsédés » qui comprend des individus très inventifs. Ils créent de nouvelles capacités de problème-solution. Les meilleurs de ce groupe font partie du cinquième groupe, celui du top niveau.
  5. Les « sorciers » se situent en haut de la pyramide d’alphabétisation informatique. Ils sont les plus doués et les plus respectés également. Ils maîtrisent parfaitement l’ordinateur à tous les niveaux (hard et soft).[4]

            Cette typologie que nous empruntons à LAZAR J. transférée dans notre cadre demeure imparfaite. Car on a tôt fait de dire que la population observée appartient  au premier groupe des TIC. Mais nous sommes tenté d’affirmer le contraire. Ils sont des utilisateurs à des ‘’fins symboliques’’. Ils ont détourné ces moyens des TIC de leur vocation première. Même si rien pour l’instant ne permet d’affirmer que le phénomène observé est massif, on ne saurait les classer dans le premier groupe de la typologie de LAZAR J.

 

            V° Le TIC comme composante de la représentation  de soi

            Le medium  est le message sommes nous tenté de dire. Les TIC dans notre observation, ne sont pas utilisés comme  un moyen  de communication au sens se SHANNON (émetteur canal récepteur), mais plutôt comme un message, une information envoyée en direction de cibles précises. Ce message, du moins le sens de ce message se trouve contenu  dans les vertus potentielles des TIC comme l’écrit MOLES: « La nouvelle technologie signifie aussi rupture de la loi fondamentale de la proxémique, (…) car désormais elle permet à l’individu de changer l’échelle de distance. C’est à dire, qu’elle donne la possibilité pour « l’être d’entrer en relation avec n’importe qui, n’importe où, sans sentir cette relation grevée par la notion de distance, comme un facteur dissuasif qui polarise son champ de représentation et d’interaction »[5] (Moles, 1986)

            Ainsi les TIC sont perçus comme le symbole par excellence de la nouvelle société, des valeurs nouvelles, de l’émancipation, de la nouvelle classe…Cette manière de se représenter les TIC détermine les comportements observés chez certains habitants. 

Par représentation il faut entendre comme le dit ABRIC C.  « L’ensemble organisé des informations, des croyances, des attitudes et des opinions qu’une personne ou un groupe de personnes élaborent à propos d’un objet ou d’une personne donné. (…) La représentation est le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle l’homme reconstitue le réel auquel il est confronté afin de lui attribuer une signification spécifique. (…) Dans la représentation, il y a trois éléments qui vont jouer un rôle important ; il s’agit de la représentation de soi, de la représentation de l’autre et de la représentation de la tâche »[6]

            Ce qui nous intéresse le plus ici, c’est évidemment la représentation de soi. Cette représentation de soi s’articule en deux volets que sont le mois intime et le moi public. Alors, qu’est ce que le moi intime ? Nous répondrons à cette question en nous appuyant une fois encore sur ABRIC C. Il écrit :

  • « Le moi intime, est l’image qu’on se fait de soi même, de ses forces et de ses faiblesses, de ses compétences réelles, de ses qualités et de ses défauts en un mot de ses caractéristiques personnelles. Ce moi intime, est quelque chose de « privé » non connu des autres et non exprimé et c’est pour cela justement qu’il est intime. Ce moi intime, est fondamental dans la détermination du comportement de l’individu. » . ce moi intime qui va de pair avec le moi public qu’il définit en ces termes :
  • « Le moi public encore appelé le moi déclaré, affiché, est l’image qu’on donne aux autres, une image telle que celle qu’on aurait souhaité avoir et qui peut parfois être radicalement différente de l’image intime ».  il convient de mentionner que dans toute situation d’interaction de la communication, l’individu se comporte et réagit en fonction de ce qu’il pense être et de ce qu’il veut paraître.  

Ces clarifications notionnelles faites, essayons de les transposer dans le cadre qui nous préoccupe en ce moment. Prenons notre vendeuse ambulante qui détient un appareil qui aurait pu lui rendre service, mais qui en définitif ne lui sert à rien, faute de compétence élémentaire. On pourrait dire de même de ce maître menuisier qui aménage son bureau d’accueil en y installant un micro ordinateur devant lequel vient dormir une opératrice de saisie en difficulté avec la langue de Molière. Et ce père de famille qui place son poste téléviseur en bonne place au milieu de sa salle à manger alors qu’il continue de s’éclairer à la lampe au pétrole.

          Dans tous ces cas, nous avons à affaire avec ce que ABRIC C appelle « le vouloir paraître »  et nous ajouterons ici « le vouloir paraître comme les autres ».  Ces autres qui possèdent le téléphone portable, l’ordinateur, le poste téléviseur et les antennes paraboliques, qui sont des attributs de la modernité, ou de l’homme moderne. Mais il n’y a pas que cela. Les moyens des TIC sont des marqueurs de différence sociale, partant de statut. Statut, un élément important dans tout système social.   Le statut d’un individu est déterminé par la place qu’il occupe dans ladite société et à un moment donné. Le statut est la position sociale qu’on peut repérer, c'est-à-dire qu’on peut savoir ou qu’on peut déterminer, dit le chercheur. « Ce statut social est un élément central dans un système hiérarchisé. Le statut est aussi un des constituants de l’identité sociale et de l’image de soi. Comprit comme tel, l’individu va être amené en fonction de son statut à développer un certain nombre de rôles, de comportements et d’attitudes qui lui semblent appropriés, adaptés à son statut. »[7]  

          Se former une image de l’homme ou de la femme moderne, c’est réclamer un autre statut. Le maître menuisier, rien que part la présence d’un micro ordinateur dans sa salle d’accueil réclame d’être vu comme un patron moderne, un entrepreneur et non un ouvrier, un pourvoyeur d’emploi puisqu’il a une employée_ une opératrice de saisie.

 

VI° Paraître _ un remède contre la  frustration dans la société

          Qu’est-ce qui régit concrètement le comportement et l’activité de ces hommes et femmes ? Pour comprendre ce qui précède le déroulement d’une action réelle, il faut, avant tout, analyser les besoins et les motifs incitant la personnalité à agir.  Pour répondre à ces questions la théorie générale de la personnalité examine le rapport des besoins et des motifs afin d’élucider le mécanisme interne du mobile de l’action. C’est ce que pense ANDREEVA G. et nous partageons cette approche aussi. Pourquoi, dans des conditions déterminées, les hommes agissent de telle ou telle façon et qu’est-ce qui les dirige quand ils choisissent précisément ce motif et pas un autre ?  La suite de nos travaux pourrait nous aider mieux  les élucider.

          Notre propos a consisté à montrer que les TIC dans nos vies ne sont pas utilisés par tous pour les mêmes fins.  Le phénomène observé, loin d être dérisoire est plutôt du ressort de la thérapie  des tensions psychologiques, tensions auxquelles tout individu vivant en société est soumis et qui déterminent ces actions, ses comportements. Lewin (1959) cité par ABRIC C. pour expliquer les comportements des individus affirme  que « tout individu fonctionne comme un organisme soumis à un ensemble de force. Ces forces peuvent être d’origine externe –les pressions issues de l’environnement ou d’origine interne –c'est-à-dire liées à l’histoire du sujet et à son implication dans la situation. L’ensemble de ses forces s’exerçant sur l’individu crée des besoins engendrant des tensions. Tout individu peut donc être considéré comme un organisme sous tension. Et se sont ces tensions qui vont produire les comportements. Le comportement adopté par un individu dans une situation donnée vise à réduire les tensions qui s’exercent sur lui, à satisfaire les besoins engendrés par le système de forces externes et internes auquel il est soumis[8]

          Le comportement doit donc finalement être analysé comme  la résultante des forces qui s’exercent sur un organisme donné à un moment  donné.

 

          CONCLUSION (Du symbolisme du mortier et du pilon)

En guise de conclusion, nous voulons partager avec vous cette anecdote. Il était une fois  en pays maxi (lire mahi) l’oracle révéla au chef de famille que pour obtenir la longévité et le bonheur des mânes de ces ancêtres, ce dernier (le chef de famille) devra s’abstenir à jamais de manger de l’igname pilée, communément appelée agoun ou foun foun. Une fois la prédiction sue, il alla chez le meilleur bucheron du village commander un mortier qu’il vint l’installer au milieu de sa cour. Interpelé par son prête, il lui rétorqua ceci : « je veux paraître aux yeux du voisinage comme un grand consommateur d’image pilée même si j’ai pris la ferme décision de ne jamais en prendre ».  Nous voudrions dire pour conclure sur cette question que cette histoire nous a été contée par l’un de nos interlocuteurs auprès de qui nous avons voulu comprendre le pourquoi de ces comportements. Et la moralité de cette histoire est, selon ses propos, qu’il est parfois frustrant (toute frustration est déjà un signe de tension psychologique) de paraître différent des autres à certaines occasions. LA CONSTRUCTION de l’image de la MODERNITÉ EN MILIEU RURAL AU BENIN nous a conduit sur un terrain inattendu, celui de la psychologie sociale.

 

[1] LAZAR J. Sociologie de la communication de masse, p. 205

[2] Ibidem,

[3] ibidem

[4] ibidem, p. 215

[5] MOLES A. cité par LAZAR J. p. 200

[6] ABRIC C. Psychologie de la communication. P. 203

[7] Ibidem p. 203

[8] LEWIN, in ABRIC C. Psychologie de la communication, p. 9

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6 octobre 2017 5 06 /10 /octobre /2017 14:52

IV COLLOQUE DES SCIENCES CULTURES ET TECHNOLOGI

 

 

TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET REPRESENTATION SOCIALE : DE LA CONSTRUCTION de l’image de la MODERNITÉ EN MILIEU RURAL AU BENIN.

                                                          

                  RESUMÉ :

           Le système de représentation: est défini comme «  l’ensemble organisé des informations, des croyances, des attitudes et des opinions qu’un individu ou un groupe élabore à propos d’un objet donné. La représentation est le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique »[1]Dans la structure du système de représentation, se retrouve d’abord « la représentation de soi », ensuite «  la représentation de l’autre » et enfin  « la représentation du contexte ».

           Fort de cette clarification conceptuelle, nous nous permettons dans cette étude de nous interroger sur les constats, des faits observés, signes annonciateurs éventuels d’un mouvement de mutation sociale qui s’opère sous nos yeux.

           Une petite commerçante vous laisse tous ses contacts, en l’occurrence, trois numéros de téléphones  réservés à ses clients. A l’usage aucun de ses numéros n’est opérationnel.

Que d’antennes paraboliques visibles sur les toits de certaines maisons, qui ne sont reliées à un poste téléviseur dans des concessions ! et des postes téléviseurs qui siègent royalement sur un meuble de salon, mais soigneusement recouvert d’une nappe dans un foyer s’éclairant encore à la lampe tempête. Un ouvrier, un maître menuisier de son état qui aménage son bureau, en y installant une secrétaire assise devant un écran noir d’un ordinateur envahi par la poussière. Et parfaitement éteint.

           Que comprendre, du moins comment, l’observateur des processus sociaux peut il rester indifférent devant ses phénomènes, à la limite insignifiants pour le commun des mortels. Comment ne pas chercher à lire au delà d’un snobisme superficiel, un phénomène humain profond qu’induisent les TIC qui  peu à peu deviennent des éléments constitutifs de la personnalité et du statut social ?   L’homme rural qui se veut et se dit moderne, ne veut plus se représenter hors des TIC. La société de l’information induit chez l’homme moderne le besoin d’intégrer des éléments nouveaux dans la représentation de soi.

 

Introduction

           L’Afrique insaisissable et étonnante. Au milieu du siècle dernier un éminent chercheur français exprimait une idée assez surprenante à propos des processus sociaux en cours sur le continent. Dans « Afrique ambiguë » BALANDIER G. a écrit : « ces villes, ces trains, ces usines se sont transformées dès leur exportation; le paysage qu'ils composent n'est pas encore celui auquel nous sommes accoutumés.... » parole de colon pourrait-on être amené à penser. Mais il s’agit de parole d’anthropologue, donc de chercheur qui après avoir observé formule une remarque. Cette observation exprimée plus d’un demi-siècle plus tôt demeure pertinente et de nos jours On pourrait se demander pourquoi, une fois les océans passés, les choses subissent de si importants changements, dans ce qu’on pourrait appeler prédestination? Et les médias n'ont pas échappé à ses mutations.

           Au départ  de leur vocation première (les technologies de l’information) étaient l'information, la communication. Les mass medias, et aujourd’hui tout ce qu’on met sous le vocable de ‘’TIC’’ sont une nécessité pour un pays qui se développe ou qui aspire à se développer. Ceci étant qui aurait pu pensé que les TIC en Afrique au Sud du Sahara, et précisément au Bénin, dans les contrées rurales, peuvent muter et devenir des marqueurs sociaux, des signes extérieurs d’adhésion à la modernité. C est un phénomène nouveau observé, intéressant à souligner et à essayer d’analyser.

« Une petite commerçante vous laisse tous ses contacts, en l’occurrence, trois numéros de téléphones  réservés à ses clients. A l’usage aucun, de ses numéros n’est opérationnel.

Que d’antennes paraboliques visibles sur les toits de certaines maisons, qui ne sont reliées à un poste téléviseur dans des concessions ! et des postes téléviseurs qui siègent royalement sur un meuble de salon, mais soigneusement recouvert d’une nappe dans un foyer s’éclairant encore à la lampe tempête. Un ouvrier, un maître menuisier de son état qui aménage son bureau, en y installant une secrétaire assise devant un écran noir d’un ordinateur envahi par la poussière. Et parfaitement éteint. » Ces comportements ne sont points, anodins  à votre avis et doivent susciter des interrogations de l’observateur attentif  que nous sommes. 

 

I°- Le contexte de la réflexion

Restituer le contexte qui a provoqué cette étude, ou plus précisément cette volonté d’explorer la problématique des TIC sous un angle de la socio psychologie est opportun pour apprécier à sa juste valeur notre méthode, l’observation qui apparaît à nos yeux, la seule possible.

Pour des raisons de services, nous sommes amené à faire parfois, plusieurs fois dans une même semaine le trajet Cotonou-Savalou-Cotonou. Sur ce trajet, nous avons pris l’habitude d’acheter auprès des vendeuses des beignets de banane. Ces beignets étaient loin d’avoir la même qualité gustative et nutritive à tout instant. Mais vint un jour où conquis par les produits présentés par une des marchandes, nous nous empressâmes de lui demander de bien vouloir nous laisser ses contacts pour les fois à venir. Elle tenait solidement attaché sur le bassin un téléphone portable.  A notre requête, pour toute réponse  elle nous rétorqua « je ne suis pas allée à l’école, je ne sais pas compter et mon enfant qui m’aide s’est éloigné de moi… » . A notre tour de lui proposer de faire en sorte que son numéro écrit sur une lame de papier soit collé au dos de son appareil pour ses clients qui le lui demanderait….A notre grande surprise, elle se résoudra à nous dire : « papa laissez tomber cette affaire, c’est un jouet » (traduit par nous).

De cette scène naquit une interrogation : pourquoi une femme adulte, non scolarisée, vendeuse ambulante veut-elle jouer et joue à la détentrice d’un téléphone portable ?  Ainsi s’imposa à nous une hypothèse de départ que nous avons formulée en ces termes : « tous les détenteurs de téléphones portables n’ont nécessairement pas des besoins de communication à satisfaire. » cette hypothèse de départ induit une autre secondaire et qui se décline ainsi : « le portable satisfait à un besoin d’ordre social ». L’idée d’élargir cette hypothèse aux TIC, nous est apparue importante, afin de vérifier si ce qui est valable pour le téléphone, l’est aussi pour d’autres composantes des TIC. Et nous n’avion pas eu tords de le faire.

« Que d’antennes paraboliques visibles sur les toits de certaines maisons, qui ne sont reliées à un poste téléviseur dans des concessions ! et des postes téléviseurs qui siègent royalement sur un meuble de salon, mais soigneusement recouvert d’une nappe dans un foyer s’éclairant encore à la lampe tempête. Un ouvrier, un maître menuisier de son état qui aménage son bureau, en y installant une secrétaire assise devant un écran noir d’un ordinateur envahi par la poussière. Et parfaitement éteint. » tels sont les résultats de notre collecte.

           Nous devons préciser ici qu’il ne s’agit pas d’une étude organisée et une démarche orientée vers la collecte d’éléments du genre. La démarche est aléatoire car nous ne pouvons rentrer dans une concession et nous permettre de demander pourquoi un poste téléviseur, une antenne parabolique ou un ordinateur ne servent à rien malgré leur présence remarquable dans le cadre de vie ou de travail.  Selon les circonstances quelques interrogations nous permettent de nous faire une idée de l’état de notre problématique. Décence oblige.

 

II° L’Observation comme méthode  et formulation des hypothèses

L’observation est une « ancienne » méthode de la psychologie sociale, même si l’on a souvent souligné son imperfection par rapport à l’expérimentation.  Néanmoins, nous sommes en parfaite harmonie avec ANDREEVA G. qui soutient que « la psychologie sociale est loin d’avoir épuisé toutes les ressources que peut fournir la méthode de l’observation : lorsqu’il s’agit d’obtenir des données concernant le comportement explicite, les actions des individus, la méthode de l’observation peut jouer un rôle non négligeable ».[2] Cette chercheuse Russe reconnaît   la délicatesse de la méthode de l’observation en ces termes : « Le principal problème que soulève l’utilisation de la méthode de l’observation directe est la manière dont on peut garantir la fixation de classes de caractéristiques, de telle façon que le protocole de l’observation puisse être « lu » et compris par un autre chercheur, et qu’il puisse être interprété en termes d’hypothèse. Dans le langage habituel, cette question pourrait être ainsi formulée : que faut-il observer? Comment fixer ces observations ? Il existe de nombreuses propositions différentes concernant la structuration des données de l’observation »[3].

 La question de la distinction des classes de phénomènes observés n’est rien d’autre au fond que celle des unités d’observation, qui, comme on le sait, est tout aussi délicate dans d’autres secteurs de la psychologie. Quant à savoir ce qui doit constituer une unité d’observation dans la recherche socio psychologique, cette question ne peut être réglée qu’isolément pour chaque cas concret, en prenant en ligne de compte l’objet de la recherche.

En nous appuyant sur cette position, nous sommes aperçu, à postériori que c’était bien celle qui convenait à notre travail. Car, nous nous devons de souligner que notre découverte a été inattendue.


        


[1]ABRIC JC. Psychologie de la communication : méthodes et théories.  p.13

 

[2] ANDREEVA G. Psychologie sociale,  p. 71 

[3] ibidem,

[4] LAZAR J. Sociologie de la communication de masse, p. 20

[5] Ibidem,

[6] ibidem

[7] ibidem, p. 215

[8] MOLES A. cité par LAZAR J. p. 200

[9] ABRIC C. Psychologie de la communication. P. 203

[10] Ibidem p. 203

[11] LEWIN, in ABRIC C. Psychologie de la communication, p. 9

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 12:07
Encore une journée comme toutes les autres. Le soleil s'est levé à l'Est et s'est couché à l'Ouest commme je l'ai appris dans mes leçons de géographie en classe de CE1. Rien de spécial... Qu'il vous souvienne, il y a dix ans le première puissance militaire au monde a décidé de l'invasion d' un pays précisément ce jour dit de la Francophonie. C'était l'incompréhension de ma part. J ai fait un poème qui exprimait mes ressentiments. Aujourd'hui, 10 ans après ce pays envahi au nom de la démocratie est et demeure un bouillon d'explosives, et un coktail de contradictions internes. Dix ans après, qu'est devenue la Francophonie? Personne ne saurait le dire. SarKosy est passé par là (Il n'en voulait pas vraiment). Certains intello français ont appelé les jeunes francophones à la résistance pour que ne périsse point la Francophonie! Deux pays membres fondateurs de la Francophonie font appellent à l'anglais pour mieux s'ouvrir au monde et mieux se positionner aussi dans la mondialisation... Ironie du sort. Ou du tord? Senghor, Diori et .... reposent en paix ! En attendant qu'un jour peut-être elle (la Francophonie) les rejoigne et ait un repos internel aussi......
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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 22:42

MICRO-NATIONALISME ET DECENTRALISATION EN AFRIQUE : EXPRESSION D’UNE DOUBLE RUPTURE IDEOLOGIQUE.

 

        Introduction (Cette publication est vieille de sept ans. En sept ans, que de changements! Le Soudan ou les Soudan? Le Mali ou les Mali? Le Nigéria en crise d'identité! l'Ivoirité et ses dégats! Et j'en oublie)  

La plupart de nos pays viennent de célébrer les 43 ans de leur accession à la souveraineté internationale. Ce fut pour chacun d’eux des moments privilégiés d’évaluation et de bilan. Le moins qu’on puisse dire est que ce bilan est loin d’être satisfaisant.

Mieux, lorsqu’on essaie de porter un regard attentif sur la dernière décennie, dite du renouveau démocratique de l’Afrique, des interrogations s’imposent et des inquiétudes surgissent.

Le spectacle qu’offre le continent n’inspire pas beaucoup d’espoir quant à l’avenir des processus démocratiques. A l’idéal d’unité nationale se substitue une réalité faite d’ethnocentrisme, de gestion clanique, de clientélisme et de népotisme dans les affaires publiques. Le tout sur fond de communication sociale  et politique savamment articulée et entretenue autour  des thèmes de ‘l’équilibre régional’, ‘de la discrimination positive’ de la valorisation  de la ‘culture et de ses attributs’ et de la ‘réhabilitation de nos valeurs autrefois rejetées’. En fait une instrumentalisation  de l’histoire et de la culture à des fins bassement politiques.

Ces pratiques et ces idéologies qui entraînent la stigmatisation ‘feutrée’ ou brutale et l’exclusion systématique d’une partie des ‘citoyens’ dans un contexte d’édification avortée de l’unité nationale  et de fragilité de nos états, sont à notre avis la preuve d’une paire de ruptures explicables, même si celles-ci ne sont point proclamées de manière explicite par les différents acteurs de la vie sociale et des jeux politiques. Les différents comportements observés chez les acteurs sont éloquents par eux-mêmes et ont valeur de messages à décoder.

Il est donc presque suicidaire pour l’Afrique dans un tel contexte de se lancer dans un

 

processus de décentralisation, même fortement conseillé ou, érigé en conditionnalité par les

 

partenaires au développement ou bailleurs de fonds.

 

 

1_  Problématique et hypothèses de travail

Si aujourd’hui encore les informations portant sur les événements du continent africain sont dominées par les sujets de conflits armés, de réfugiés et de populations déplacées pour cause de guerre, de conflit ou de différends frontaliers, c’est parce que l’idéal panafricain est demeuré un slogan, un discours émotionnel  d’une part, et parce que miné de l’intérieur par le nationalisme, l’idéologie africaine de l’édification de la Nation d’autre part.

Si la Nation peine à se forger et à se bâtir dans les limites des frontières héritées de la colonisation, c’est parce que, elle-même, à son tour a été minée par le clanisme – ethnocentrisme et le clientélisme.

L’un et l’autre des deux phénomènes énoncés tiennent leur source d’une double rupture : rupture avec le panafricanisme et rupture avec le nationalisme. De manière subjective nous appelons cette première dyade la ‘ rupture  mineure’.

Si le nationalisme étriqué a eu raison de l’idéal panafricain, et le micro-nationalisme de la formation de la conscience nationale, il n’est pas à exclure que le clanisme et le tribalisme aient aussi raison des communes, considérées aujourd’hui comme unités politico-administratives d’organisation et de gestion des affaires de la société dans le cadre de la décentralisation de l’Etat amorcé sur le continent à coup de ‘promesses’ d’une vie meilleure.

Enfin, on peut aussi déjà poser une dernière hypothèse qui consiste à dire que la rupture avec le panafricanisme et le nationalisme (rupture mineure), fut elle-même le produit d’une première rupture, celle-là  avec l’utopisme positif (la capacité de penser le beau, le bien et le juste)  et le volontarisme subjectif (la force de se savoir, seul capable et responsable de changer sa condition).  Ce que nous désignons par l’expression ‘rupture majeure’.

 

2_Cadre d’analyse

Observateur de la vie du Continent en général, et de la sous-région ouest-africaine en particulier, nous sommes bien tenté de dire que nos réflexions ont pour cadre l’espace l’ouest africain. Mais notre volonté de rendre ce travail concret pourrait nous amener à nous appuyer sur les réalités plus proches de nous, donc béninoise.   Toutefois, cette analyse pourrait bien s’appliquer à d’autres espaces africains, même s’il faudrait la nuancer quelque peu.

Le Bénin, situé sur le Golfe de Guinée a une superficie de 112.600 km2, une population de plus de six (06) millions d’habitants et compte une cinquantaine de parlers. La langue française est la seule officielle de l’administration. Indépendante depuis le 1er Août 1960, ce petit pays a connu cinq coups d’Etat militaires, avant de connaître une longue période de stabilité entre 1972 – 1989. Initiateur des Conférences Nationales, le Bénin souvent cité comme modèle de transition douce vers la démocratie, compte plus de 120 partis politiques, reconnus constitutionnellement comme animateurs de la vie politique.

L’expression de la démocratie se manifeste par une séparation des pouvoirs et une presse relativement libre mais peu professionnalisée.

 

3_Cadres définitoires et clarification de concepts

Mêmes courantes, certaines notions ont besoin d’être clarifiées à ce niveau. Il s’agit entre autres des concepts d’idéologie, de nation,  d’état, d’utopie, et de volontarisme.

Alors nous osons dire que nous employons ici la notion d’idéologie, non pas dans le sens courant, qui conçoit qu’il n’a existé que deux grands courants idéologiques (le communisme et le capitalisme) et que depuis la chute de l’URSS, on peut proclamer la fin des idéologies !

* L’idéologie, nous la prenons et la comprenons dans le sens que lui confère Morin E., qui dit que: «  L’idéologie est un système d’idées qui nous permet d’entrer en relation avec le monde extérieur. Elle structure notre mental et organise notre système cognitif ». Morin E. fait remarquer que lorsque l’idéologie  demeure ouverte elle s’apparente à une théorie et alors peut recevoir une information, l’intégrer et se réajuster. Dans le cas où elle s’enferme, elle entretient une relation répulsive avec l’information. Et alors elle devient une doctrine, par définition close.

L’idéologie est donc tout système d’idées qui nous permet de traiter les informations qui nous parviennent, de les décoder, de les interpréter, de les accepter ou de les rejeter, en un mot, il s’agit d’un système qui nous permet de fonctionner dans la vie. A ce titre le panafricanisme, le nationalisme, l’utopisme et le volontarisme sont dans la perspective qui est la nôtre ici, des idéologies. Elles nous donnent une certaine structure mentale et guident nos comportements et nos actions tant individuelles que collectives, politiques et / ou sociales.

 

* L’Etat : deux approches de définitions nous intéressent ici. En un premier lieu, nous définissons l’état comme un système d’éléments que sont : un groupe d’hommes, un territoire bien déterminé et une autorité commune. L’Etat se caractérise donc par ces 3 éléments, trois composantes "matérielles " à savoir le territoire, la population et l’organisation politique.

Une autre définition, marxiste, réduit l’état à une organisation politique de la classe dominante ayant pour but de défendre le régime existant et de mater la résistance des autres classes. La formation de l’Etat serait marquée par la création des institutions de coercition que sont l’armée, la prison et la police

Ici les deux approches nous sont utiles. Car une observation même  superficielle  nous montre qu’en Afrique la compréhension de l’Etat est surtout proche de la deuxième définition citée. Et nos dirigeants ont surtout œuvré pour le développement de l’Etat gendarme fouettard au détriment de l’Etat unité de vie et  de création de valeur commune.

 

* L’identité culturelle : l’identité d’une culture représente la personnalité collective d’une nation. C’est ce qui donne à l’individu la conscience d’appartenir à une unité culturelle donnée. Ainsi parlait Cheikh A Diop (P. 212)

Cheikh Anta Diop dit par conséquent que définir l’identité culturelle d’un peuple, c’est analyser les composants de la personnalité collective à savoir les 3 facteurs qui concourent à sa formation :

-       facteur historique, facteur linguistique et facteur psychologique, (p.63)

-       L’identité culturelle peut être affirmée à différends niveaux : au niveau du groupe ethnique, au niveau de l’Etat, de la région et du niveau du continent tout entier. L’identité qu’un peuple choisit d’affirmer dépend de l’époque et du lieu.

 

La Nation : Il y a déjà quelques années un de nos professeurs de Droit nous disait qu’ cours d’une conférence, une éminence grise,  aurait répondu à la question : "qu’est-ce que la nation ? " de la façon suivante : " une nation est une âme, un principe spirituel exigeant la volonté de vivre ensemble ". Il ajoute qu’une "nation est un plébiscite de tous les jours, la possession en commun d’un riche legs de souvenirs" (Ernest Renan).

  Pour le Professeur Burdeau "la nation trouve son origine dans un sentiment attaché aux fibres les plus internes de notre être : c’est le sentiment d’une solidarité qui unit les individus dans leur volonté de vivre ensemble. "

André Hauriou dira en ce qui le concerne que la nation est un groupement humain dans lequel les individus se trouvent unis les uns aux autres par des liens à la fois matériels et spirituels et se conçoivent comme différents des autres individus qui composent les autres groupements nationaux. "

Il y a donc dans la Nation quelque chose d’immatérielle, de spirituelle de mystique que la France, les Etats Unis d’Amérique, la Suisse etc.,  ont pu avoir et qui leur ont permis de devenir des Nations et que les Etats africains n’arrivent pas encore à avoir malgré tous les discours ambiants.

  

                 * L’utopisme, définit par le Petit Larousse comme  l’attitude de celui qui se berce de rêveries, d’utopies. Cette définition nous la partageons, mais seulement en partie, si on lui apportait une petite nuance, si Utopie est comprise dans le sens Szascki Jerzy, qui la définit  de manière assez originale.

                 Cette clarification s'avère indispensable en raison du contenu prêté par le langage courant à ce concept. Dans une acception péjorative, utopie est assimilée à un projet irréalisable, une chimère, une rêverie. Ce sens du profane n'est point celui de nos propos. Il n'en serait pas question dans notre travail.

Le concept inventé par T. More au début du XVIème siècle, présentait son modèle, à lui du "meilleur gouvernement possible" dans une Angleterre traversée par des crises sociales répétées et le mal-vivre.

Le mot "Utopie", vient du grec "ou" qui signifie non et de "topos", qui signifie lieu, ce qui nous donnerait "Utopie = le lieu qui n'existe pas" (Petit Larousse 2002) Ce sens étymologique diffère du sens philosophique, donné par Petit Larousse  qui dit: société idéale, mais imaginaire, telle que la conçoit et la décrit à un moment donné. Les utopies, écrit le même document : "décrivent le fonctionnement de sociétés parfaites, dont on suppose l'existence en un lieu généralement clos (une cité, une île). Fournissant des arguments pour la critique de l'ordre existant, elles peuvent aussi s'offrir comme des modèles pour l'établissement de communautés heureuses. Les auteurs d'utopie sont nombreux: Platon, T Bacon, Campanella, T More, Morelly, Saint-Simon, Fournier, etc.

Larousse tranche la question sur le plan étymologique, d'une manière radicale. Ce qui n'est pas le cas chez Jerzy Szacki, chercheur polonais qui a consacré une grande partie de sa vie à l'étude de la problématique de l'utopie, surtout dans sa relation avec la tradition, c'est à dire," ce qui est déjà et qui ne veut pas céder la place à ce qui arrive".

J. Szaski ne partage pas la même approche en ce qui concerne le préfixe "u". Selon ce dernier, "u" proviendrait du grec "ou" qui signifierait "non", ou encore de "eu", ce qui signifierait "bon". Ainsi " Utopie" prendrait une allure polysémique. Ce mot pourrait signifier tantôt " le lieu qui n'existe pas", tantôt "bon lieu". Nous voulons  insinuer ici que comprendre "utopie" uniquement comme un lieu imaginaire, qui n'existe nulle part, ne nous permet pas de percevoir toute la profondeur de l'œuvre de T. More, qui est un humaniste, qui pense que la société des hommes peut-être une construction humaine. En ce qui nous concerne, nous refusons de croire que T. More, dans cette Angleterre de 1516, en publiant son œuvre " Utopie", a voulu signifier à ses concitoyens que le bonheur n'existait nulle part et qu'ils ne sauraient rêver à un avenir meilleur. T. More au contraire,  était convaincu que le bonheur était possible et que c'était le devoir des gouvernants d'organiser la cité afin de l’atteindre. De ce point de vue il n'était pas loin de Platon qui pensait déjà dans l'antiquité que les philosophes devraient être les gouvernants dans la cité, afin d'assurer la bonne gestion de cette dernière, une bonne gestion seule capable de garantir le bonheur de tous. 

Dans sa tentative de compréhension et d'explication de l'utopie selon  More, J. Szaski, suggère non pas la reproduction en grandeur nature, sur terre de ce monde de rêve créé par ce dernier, mais plutôt l'exploration de la forme de sa pensée, sa manière de concevoir la "réalité" possible, probable, réalisable. Son esprit et sa volonté de changement. Cet esprit et cette volonté que l'on retrouve, et chez l'auteur du "Contrat social", et chez les révolutionnaires français de 1789, qu'on n'a pas manqué de traiter d'utopistes sur la question cruciale de la transformation de la monarchie française en République. Aujourd'hui, on le sait est une République...C'est dire que le concept de l'utopie (demain peut être mieux, que aujourd’hui), ne peut s'analyser que sur la distance, puisque ce qui paraît difficile à réaliser dans le présent, peut l'être demain ou, après- demain, comme le fait remarquer le chercheur polonais. Aujourd'hui des milliers d'avions sont au service des hommes, relient tous les continents à tout moment. Les premiers à avoir pensé à un tel appareil capable voler (déjà dans la  Grèce antique a existé le mythe de Icare), ont certainement été traités d'utopistes (rêveurs), mais leur rêve est devenu un projet réalisable et réalisé. Mais a permis d'aller encore plus loin, puisque de nos jours, il existe une station spatiale habitable, qui, par deux fois déjà a accueilli des touristes. Il y a quelques décennies, alors que les chemins de fer se développaient en Angleterre, en France, les têtes pensantes continuaient de discuter de l'opportunité de l’utilisation des machines à vapeur, qui, selon elles, risquaient d'exploser. . L'utopie n'est donc pas une donnée absolue. Elle est relative et cette relativité est proportionnelle au niveau de développement spirituel, intellectuel technique et technologique de la société. C'est le lieu de partager avec un grand penseur russe cette opinion:      

"Et les utopies de nos jours se révèlent plus réalisables que jamais. Déjà, devant nous une question urgente, celle de savoir comment empêcher certaines de se réaliser"[1]

Nous sommes donc tenté de dire que l’utopisme est une qualité, une capacité ou une faculté donnée à l’homme pour rêver un monde nouveau et meilleur, donc de contester l’ordre établi. C’est la capacité d’invention d’un futur.

 

* Le volontarisme     Du  latin voluntas qui signifie volonté. Le volontarisme est un courant philosophique, dit idéaliste, selon lequel la volonté est la cause première de l’être. On distingue deux types de volontarisme_ un volontarisme objectif et un autre subjectif, prêché par Sterner et Nietsche, qui attribut le rôle de force motrice première à la libre volonté individuelle. Le volontarisme subjectif s’oppose au volontarisme objectif qui prône le principe de la loi universelle. Le volontarisme subjectif donne un caractère « agressif », donne la volonté d’agir, la volonté  de puissance. On pourrait dire qu’il fait de l être humain un acteur responsable de son devenir. 

 

4 _Caractéristiques démographiques et socio- culturelles des Etats post coloniaux

a) .Démographie. Nous savons que le territoire et la population constituent les éléments matériels de l’Etat. Mais pour le politologue, la population a plus qu’une valeur d’effectivité. Elle a des caractéristiques socioculturelles qui sont dans un rapport direct avec les formes  d’organisations sociales et politiques.

Ainsi, on pourrait relever que la population du Bénin est constituées par des regroupements sociaux disparates et hétérogènes imputables à des facteurs historiques connus et ou naturels. Ex : 52 parlers

Ces disparités et hétérogénéités, sont aujourd’hui accentuées par  des clivages nouveaux – comme par exemple, les clivages Nord/ Sud, ville / campagne, clivages économiques. Secteur formel / informel. Tradition / modernité.

           Nous sommes d’accord pour reconnaître que tous ces clivages ne sont pas des facteurs propices à l’édification de la nation, comprise telle qu’elle a été définie plus haut. Si la langue est le support de la culture,  un outil privilégié de communication, son rôle dans la formation de la conscience nationale est donc immense. Or, nous avons déjà dit que le Bénin, comporte 52 parlers (langues). On peut en déduire de manière empirique, que nous avons au Bénin 52 modèles de cultures. Donc 52 identités culturelles. C’est peut-être une richesse, mais mal exploitée elle peut se transformer en faiblesse, exactement comme les richesses du sous-sol zaïrois sont devenues source de malheur pour cet Etat.

 

b). Caractéristiques  socioculturelles

            Lorsqu’on s’appuie sur la typologie proposée par Mead M. qui distingue les cultures de type postfiguratif, de type cofiguratif et de type préfiguratif, on n’a point du mal à affirmer que dans leur grande majorité les sociétés africaines sont largement encore de type postfiguratif ou de culture postfigurative. " dont la continuité dépend de ce qu’on attend de l’ancien", ou de type cofiguratif où " les aînés gardent une situation dominante en ce sens qu’il fixent le style et définissent les limites à l’intérieur desquelles le configuration peut s’exprimer dans le comportement des jeunes. C’est la sanction des aînés qui comptent et non celle des pairs. "*

             Tout ce qui précède nous permet de dire qu’en dépit des différentes influences subies par l’Afrique et des mutations qui sont encore, nos sociétés demeurent bien traditionnelles, dans le sens où  les liens de  parenté (la famille) et la religion jouent encore un grand rôle dans le système d’organisation sociale et leur donnent leur cohésion.

              La parenté a pour effet d’établir une structure hiérarchique rigide, favorisant la formation de cercles concentriques dans la société. Ainsi la parenté constituant le cadre de référence de base de toutes activité sociale, se distingue à 3 niveaux :

 Au niveau inférieur : la famille – le lien familial s’établit en ligne maternelle et paternelle

Niveau moyen : Le clan qui regroupe tous les descendants d’un ancêtre lointain réel ou mythique et ayant conscience d’une commune filiation.

         Niveau supérieur se trouve la tribu – formée par la réunion du clan ou leur éclatement. La tribu est déjà une forme d’organisation politique. Elle fixe les règles, donne naissance à un groupe de production et de consommation. Elle donne et conditionne l’exercice de l’autorité et de la responsabilité.

Au niveau inférieur, le chef de famille au sein de la collectivité qu’il dirige a plénitude de juridiction. Tous les litiges relèvent de son autorité. A l’égard des membres d’une autre collectivité, seul le chef du groupe apparaît. L’individu presque confondu au groupe ce qui explique le principe de responsabilité collective. Ainsi le chef de collectivité apparaît comme la pierre angulaire de l’organisation sociale.

 

La religion : Les religions africaines soutiennent l’existence des âmes et des esprits qui animent la nature. Ces religions qui intègrent toute chose et tout être dans un système complexe, où une place est attribuée à chacun dans ledit système, et où le comportement de chacun peut avoir une résonance dans l’univers, il va sans dire que les règles de la coutume sont indispensables à l’équilibre individuel et collectif… Ainsi l’ordre religieux tient et renforce l’ordre social. Il renforce l’esprit communautaire avec cette particularité que la communauté comprend et les vivants et les morts, ces derniers étant comme les véritables chefs, gardiens de la coutume, arbitres des jeux des vivants et garant du respect de la tradition.

A côté de religions africaines, il y a aussi une place importante  pour l’islam et le christianisme. Des religions qui dans le contexte africain peuvent épouser les couleurs du milieu.

Au vu de tout ce qui précède, on est tenté de dire que l’identité culturelle si tant revendiquée apparaît surtout éclatée, plus ethnique, sinon clanique que nationale. Ce constat est déjà à lui seul un grand obstacle à tout projet de construction sociale et politique  nationale. Même si nous sommes d’avis que l’identité culturelle peut-être affirmée tant au niveau du groupe ethnique que de l’Etat, de la région et qu’au niveau du continent tout entier, son instrumentalisation  malicieuse et opportuniste a mis , met et mettra à mal le projet panafricain.

 

5 Identité culturelle et projets national et panafricain : l’exemple du GHANA

 

Le projet panafricain a eu son meilleur et son plus ardent défenseur en la personne de Nkrumah Kwamé revenu de Etats-Unis avec des idées assez nobles sur l’unité du continent avec des projets  de marché commun, d’une armée africaine etc.

C’est justement chez Nkrumah K. que l’histoire nous donne deux exemples significatifs du caractère déstabilisateur de l’affirmation à outrance des particularismes identitaires. Et ce en dépit des conditions plus favorables à ses idées et à son idéal. Un facteur favorisant comme l’écrit M’Bokolo fut « l’absence presque totale des particularismes ethniques qui devaient compliquer la marche vers l’indépendance dans les autres territoires »[2] du continent.

* Le séparatisme Achanti

Cheik A. Diop indiquait  que dans la formation de l’identité culturelle, intervenaient trois facteurs (historique, linguistique et psychologique). Et c’est justement le facteur historique qui a été déterminant dans les poussées séparatistes des AChantis au Ghana peu avant l’accession du pays à l’indépendance.

« Les Achanti possédaient une forte conscience de leur identité nationale qui s’appuyait sur une passé historique de conquérants : tout Achanti savait qu’au début du XIXe siècle son pays avait étendu sa domination sur la presque totalité du territoire qui constitue le Ghana actuel »[3].

Cette forte conscience des Achanti a été une menace pour l’unité du GHANA à un moment de son histoire. Alors on peut bien se demander aujourd’hui si le peuple Achanti a conscience de partager un destin réellement, ensemble avec les autres peuples du GHANA ?

* L’expansionnisme ghanéen ou la tentative du regroupement des peuples Evés

La politique d’unité prônée par Nkrumah a débouché sur un projet d’unification des Evés. En effet en 1945 David Chapman lance l’idée d’une réunification des Evés de la Gold Coast. Jusque en 1950 Silvanus Olympio demeure partisan de l’idée. Nkrumah se fera le chantre de la réunification après son élection en 1951. Les réticences d’Olympio revenu au pouvoir en 1955 vont amener Nkrumah à appeler les Evés du Togo Français à devenir le 7è province du GHANA. La crise éclate, mais rapidement maîtrisée.

La moralité de cet exemple résident dans la volonté de montrer comment l’appartenance identitaire une fois encore est source de crise entre deux Etats africains que tout devait au contraire réunir au nom d l’idéal panafricain.

 

6_  Démocratie et décentralisation

Dans cette analyse nous partons de deux propositions :

1-    La décentralisation succède à une centralisation forte.

2-    La monopolisation du pouvoir n’est pas synonyme d’Etat unifié.

 

Cela étant, il faut reconnaître que la plupart des pays africains  ont eu des gouvernements autoritaires et pendant la période coloniale et après la colonisation. Sous diverses formes il y a eu monopolisation et régime à confusion de pouvoir. Mais, ce n’est point une condition suffisante à l’émergence d’une conscience d’appartenance et de partage d’un destin commun. Tel est le cas du Bénin. Nous avons des Etats naissants essentiellement fragiles, donc facilement destabilisables. Un pouvoir autoritaire et dictatorial n’est pas nécessairement un pouvoir unificateur et rassembleur des ‘’terres éparpillées’’. On peut affirmer que s’il y avait eu vraiment des pouvoirs centralisateurs dans l’histoire de l’Afrique, la dialectique Etat / Nation se serait produite. Nos Etats auraient fini de poser tout au moins les bases solides de la Nation.

La Nation est inexistante - L’Etat fragile. Alors, la démocratie peut-elle être une solution pour ces jeunes états ?

La réponse est sans équivoque, oui. Mais alors de quelle démocratie avons-nous besoin ? De celle-là, proposée  et imposée par l’extérieur ou de celle pensée, adaptée à notre besoin d’édification nationale ?

En fait la démocratie ne doit pas s’entrevoir qu’en terme d’élection au suffrage universel, de séparation des pouvoirs et de multipartisme, même intégral. Ce serait purement une approche formaliste ou formelle et institutionnelle de la démocratie

La démocratie, doit avant tout se définir par rapport à ce à quoi, elle s’oppose, à savoir la totalitarisme, la dictature, la tyrannie, le monolithisme, l’arbitraire et l’unilatéralisme. Or il faut le dire , l’autoritarisme fut la chose la mieux partagée dans l’Afrique post coloniale, « un des legs les moins superficiels »  selon l’expression de M’Bokolo E. qui par ailleurs décrit le système colonial en ces termes : «  partout prédominaient des méthodes autoritaires, teintées de paternalisme. En dehors des lointains ministres, (…)  et de la bureaucratie centrale des gouvernements généraux, le pouvoir sur le terrain appartenait à l’administrateur européen, véritable roi de la brousse »( p. 42 ). Cette forme de gestion n’a véritablement jamais été abandonnée par les jeunes leaders qui ont accédé aux affaires après les indépendances.

 De ce point de vue les pays africains ont besoin d’un système démocratique qui libère les initiatives et les potentialités de création. Ils ont besoin d’une démocratie participative seule capable de mettre ensemble les divers peuples pour construire la nation en gestation et de consolider l’état encore très chancelant. Un  modèle de démocratie qui reste à inventer pour l’Afrique. La démocratie participative suppose la négociation , le consensus , le compromis, et le dialogue fécond .

Pour le moment, le continent est dans une logique de ‘singerie’ des anciennes puissances. Pléthore d’institutions qui s’ignorent, où tout simplement qui servent de réservoir pour satisfaire la clientèle familiale, et les amis politiques en récompense aux services rendus.

Mais il y aussi autre danger. La démocratie suppose aussi libéralisme (vient de libérer) qui peut créer un autre totalitarisme, comme le disait si bien le professeur Aguessi H. , celui des marchés et des financiers, qui par l’impact de leur logique marchande et individualiste en arrive à perdre le contrôle de tout et favoriser toutes dérives. Dans le contexte socioculturel qui est le nôtre : celui de l’inexistence de la nation et de la fragilité de l’Etat on ne peut pas, ne pas craindre une dérive vers une ‘démocratie mafieuse’.

7_  Renouveau démocratique, élite  et communication politique.

 

Les conférences nationales organisées ici et là, avec plus ou moins de succès selon les différents pays ont eu le mérite d’ouvrir le jeu politique, verrouillé par des décennies de monolithisme géré par les Partis Etats.

En proclamant le sursaut national pour que se réalisent le développement, et la stabilité les conférences nationales offraient une opportunité nouvelle à l’élite politique de prendre d’assaut les différentes localités, qui par le biais des ONG, qui par les Associations de développement, des structures qui ne sont rien d’autres que des tremplins vers la création des partis politiques. Ce n’est donc pas un hasard si il y a au Bénin autant de partis que de communes, sinon plus de partis que de communes.

 

a)    Le phénomène du ‘ fils du terroir’

Le souci de développement local (donc de sa localité) a  favorisé le retour aux structures traditionnelles (à son terroir). Il n’est donc pas superflu de constater aujourd’hui, après  Otayek R. que le tissu social (ici il est question du Bénin) est « émaillé de groupes associatifs, traditionnels, de classe d’âge, d’entraide professionnelle, de femmes, etc. Ces  groupes se proclament toujours apolitique. En fait dans maints cas, ils sont des lieux du politique : soit ils servent d’instrument de lutte politique et représentent donc un enjeu pour les acteurs en lutte pour le pouvoir soit que leurs activités sont perçues par le pouvoir comme relevant du politique » (p.189)[4]. Ces différents regroupements ou associations sont l’œuvre des acteurs venus de la ville occupés un espace resté ‘vide’ au village et qui leur reviendrait compte-tenu de leur statut social. Il se découvre des vocations de porte-parole de leur ethnie auprès des autorités centrales, qu’ils instrumentalisent aussi (une audience chez les présidents des différentes institutions en particulier chez le président de la République relayée par les médias par exemple ) se donnant ainsi l’image d’incontournable. De leader ayant une capacité de mobilisation de la masse. Ce qui ne saurait laisser personne (en tout cas pas un acteur de la vie politique) insensible dans une société démocratique où chaque voix peut compter.  Ainsi, dans le Bénin, Républicain, les ethnies ont pu reprendre vie avec l’affirmation de la conscience ethnique en tant que force politique de première place. Une situation entretenue par des discours comme : ‘ nous sommes d’ici et sommes seuls capables de savoir ce qui est bon pour nous et pour nos frères’, ‘Le développement sera culturel’, ‘ le développement passe par la culture’’, ‘retrouvons nos valeurs culturelles’ etc.. Dans certains milieux  le fils du terroir  propose un pacte de fidélité entre ses frères et lui-même. Des expressions comme ‘  le sang te demandera des comptes si …’, ou  ‘ ne laissez point la terre de nos aïeux aux étrangers …’  sont agités afin de forcer et d’obtenir le choix des ‘frères’. Des serviteurs de la République font allégeance à des maîtres de cultes, les entretiennent financièrement. D’aucuns n’hésitent point à faire des prêches dans des églises, toutes obédiences confondues. En retour des chefs de cultes, des notables, des chefs traditionnels donnent de la voix et réclament la réhabilitation de leur place dans la gestion des affaires publiques. Ils passent des consig,nes de vote, interdisent leur terroir aux indésirables. Le répertoire des mots et expressions nés dans le renouveau démocratique est bien plus riche et inimaginable.    Ces discours tenus dans un contexte général de précarité et d’incertitude pour le lendemain suscite l’espoir en ce fils du territoire, qui se donne une mission de sauveur. Il devient par conséquent le porte-parole de son aire socioculturelle, une qualité essentielle pour la participation à l’architecture politique. Dénonçant les dangers de l’ethnisation de la politique DISSOU M. chercheur béninois écrit : « en raison de son influence grandissante en période électorale, le facteur socioculturel est devenu de plus en plus prégnant au fur et à mesure que le processus démocratique se poursuit. Il est même devenu un critère de sélection privilégié dans les principaux secteurs de la vie nationale. Ainsi le recrutement dans la fonction publique, l’accession aux postes de commandement des zones militaires et même l’attribution des hautes fonctions dans les institutions nationales, font intervenir ‘’ la préférence à l’équilibre inter-régional »[5] et ce dernier de poursuivre « on le voit clairement en analysant la constitution des gouvernements qui atteste de l’instrumentalisation de l’ethnie à des fins d’ascension politique, une donnée constante de la vie politique depuis les indépendances »[6]

Et il conclut en ces termes « combattre le régionalisme, le népotisme, le clientélisme, le régionalisme et tous les autres fléaux du « diviser pour régner » dont l’ethnisme et ethinisation du politique est le devoir du véritable partisan de la démocratie ». c’est dans une situation pareille qu’apparaît le processus de décentralisation au Bénin !

 

b)    Les signes d’inquiétude

 

Le Bénin fait ses premiers mois de l’expérience de la décentralisation. Il y a désormais des maires élus à la tête des communes et des conseillers municipaux. Une décentralisation vivement conseillée par les bailleurs de fonds qui croient fermement qu’elle constituerait un approfondissement de la démocratie chez nous. Nous voudrions bien nous joindre à eux dans leur optimisme.

En dépit de cet ‘optimisme’ tant souhaité, l’observation du jeu des acteurs laisse penser que la décentralisation n’est autre chose qu’un autre créneau de pouvoir créé pour satisfaire l’ambition non satisfaite de certains cadres au ‘Centre’. Autrement dit, il s’agirait d’un repli sur la périphérie de tous ceux qui ont été laissés pour compte au  ‘Centre’ dans le processus de partage du pouvoir. La preuve au nombre des maires élus, aujourd’hui, on compte beaucoup d’anciens députés non réélus, des enseignants de l’enseignement supérieur, des médecins, des sociologues, et même un ancien président. Alors a-t-on vraiment eu l’intention de donner le pouvoir à la population à la base ? Ou bien,  est-on allé prendre le pouvoir à la population à la base ?

Mais plus grave, à la périphérie ils utilisent les mêmes ‘armes’ que les acteurs du Centre  ont utilisé pour bloquer la construction d’un grand espace africain, et l’émergence d’une conscience nationale profonde et solidaire : l’instrumentalisation des particularismes culturels, la tradition et l’histoire. Et comme on pouvait bien s’y attendre, les premières tensions  sont apparues dans diverses régions, relayées par les médias. Blocage de bureau de chef  d’arrondissement, arrestations d’un autre, tension entre maire élu et associations de développement de localité, entre maire et institutions du pouvoir central,  par exemple refus de reconnaissance de l’autorité préfectorale. Des maires ont déclaré qu’ils n’avaient de compte à rendre à personne si ce n’est à leurs électeurs  etc.

Dans un contexte où chacun est élu par les siens dans son terroir, cela  voudrait dire que les risques d’anarchies sont quand même grands

 

Conclusion

 

La décentralisation comme forme supérieure d’organisation démocratique de l’Etat ? C’est possible. Encore  faudra t-il se demander dans quel contexte ?

L’hypertrophie de l’identité culturelle qui n’est qu’une identité clanique et ethnique est déjà l’expression d’une double rupture simultanée : rupture avec le nationalisme d’une part et rupture avec l’idéal panafricain d’autre part, que la décentralisation peut venir approfondir..

Une décentralisation mal négociée et mal maîtrisée, pourrait porter le coup fatal à tout projet de partage d’un destin commun et réinstaller nos pays dans une turbulence infernale.

Toute civilisation s’apprend avait dit Balandier G. C’est valable tant pour la formation de la conscience nationale que pour l’idéal panafricain. Dans cette perspective, nous osons dire que cette double rupture  énoncée plus haut, que nous appelons de manière arbitraire, immédiate et conjoncturelle, n’aurait pas été possible sans une autre, celle-là, lointaine et structurelle ( sur le plan mental ) double aussi. Il s’agit d’abord de la perte de la capacité de   rêver. L’africain ne fait que de cauchemar. Il a perdu sa capacité et sa force de formuler des Utopies et de les énoncer. Mieux, il n’a pas su rester fidèle aux vieilles utopies formulées, sinon il aurait travaillé pour leur réalisation.

Le spectacle qu’offre de nos jours le continent en général, et le Bénin en particulier laisse croire à une double rupture opérée par les élites du pouvoir et celle du savoir avec les nobles idéaux d’édification de la nation et l’unité africaine. Elles ont rompu avec l’utopisme (dans le sens de Szaski  J.) et  le volontarisme d’une part, avec le nationalisme et le panafricanisme d’autre part.

D’où la conclusion finale que sans une reconquête de la capacité de formulation de nouvelles Utopies par les africains, le continent ne se construira qu’à partir des utopies édifiées à notre place par les autres. Une fois encore donc on peut dire que l’élite du savoir est au tournant de l’Histoire. Saura t-elle relever le défit ?

 

REFERENCES  BIBLIOGRAPHIQUES

 

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HEFFER (J.), NDIAYE (P.), WEIL (F.), La démocratie américaine au XXème siècle. Paris : Berlin,  2000.

 

HOUNKPONOU (Maturin), L’Afrique au passé recompose. Paris : l’Harmattan, 2001, 256p

 

M’BOKOLO  (Elikia). L’Afrique au  XX ème  siècle : le continent convoité. Seuil , 1985.

   

MORIN (E). Pour sortir du XX ème siècle.

 

Dictionnaire philosophique. Edition du Progrès. Moscou : Politizdat ; 198

 

 



[1] Berdiaev N. A. in, J. Szacki, Utopie et tradition, p.24

 

[2] M’Bokolo E. L’Afrique au Xxè siècle. Paris : Ed du Seuil 1985 P-141

[3] MAGAN  G. P. in l’affirmation de l’identité culturelle …UNESCO 1981 P. 79.

[4] In Beauchamp C. Démocratie, culture et développement en Afrique Noire. Paris : L’Harmattan, 1997

[5] DISSOU M. Le Bénin et l’épreuve démocratique Paris – l’harmattan . P-107

[6] ibidem P. 117

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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 23:12

Dédicace à l’astrophysicien_ Premier Ministre

 

 

LA VOILE          

 

Voile blanche solitaire

Dans le brouillard bleuté de la mer

Que cherche t-elle en ces eaux étrangères ?

Quel dessein la pousse si loin de sa terre ?

 

Autour d’elle, les vagues joueuses et le vent souffleur

Le mât opprimé et ses crépitements

Hélas ! Elle ne recherche guère le bonheur.

Mais au bonheur elle ne renoncerait aucunement.

 

Sous ses pieds le reflet clair d’azur

Sur son corps, la lueur dorée du soleil

Et elle, la rebelle, défie l’orage

Précurseur d’accalmie sur le rivage.

 

ROSE   MIRACULEE

 

Tige négligeable, tige rejetée.

Se transformer en humus était destinée

Au pied du rachitique quincia

Où le sort un soir, te laissa

 

L’astre lumineux t’éclaira

Les larmes du ciel sur toi se répandirent

Tu supportas la rosée du matin sans frémir

Et la brise du soir te caressa.

 

Des jours et des nuits se succédèrent

Autant que le ciel les jugea nécessaires

Puis vint un matin, joie du ciel !

Mille fois plus douce que le miel :

Des boutons

Des bourgeons.

 

Tige rejetée, terreau tu n’es point devenue.

Tige de rosier livrée à la terre

Au pied du palmier dans le parterre

Beau rosier, tu es devenue

 

 

Extrait de : « Petites chansons du printemps » Cotonou, 2005

 

 

 


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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 00:12

Une classe moyenne francophone : facteur d'émergence et   d'affirmation de valeurs nouvelles partagées.

                

Peut-on construire l'espace francophone et le dialogue francophone avec des gens qui ignorent tout, de ce dont il s'agit ? En avons-nous le droit moral ? Qu'en serait-il des fameux principes de la démocratie, souvent qualifiés d'universels ? N'est-il pas vrai que le principe démocratique prône, une adhésion et une participation libre et consciente  à la vie de la cité ?

Il nous est souvent arrivé de nous poser la question de savoir pourquoi en Afrique francophone, aucun des pays participant à la francophonie, n'ait eu la sagesse d'appeler le peuple à témoin, par le biais d'un référendum ? Une telle procédure d'adhésion aurait été démocratique ! Mais la réponse à cette interrogation nous vient aussi facilement. A quoi  peut  bien  servir une consultation populaire sur une question dont le peuple ignore tout, et qui plus, est génératrice de complexes? De la même manière que nous sommes en train de construire en Afrique, des démocraties d’ analphabètes, incapables de lire les inscriptions que porte un bulletin de vote, de maîtriser les notions élémentaires du système métrique, nous voulons  construire la francophonie des "francophonoïdes" et " des franco -aphones".

" Ce sont les idées des autres qui font qu'on ne peut pas considérer la personne âgée comme un imbécile", dit un proverbe béninois. La personne âgée a eu le temps et le privilège d'avoir vu et d'avoir entendu les expériences d'autrui. Et rien ne l'empêche de s'en inspirer pour construire sa propre vie. Et c'est assurément la même idée ou plutôt le même conseil que donne le grand sage de l'antiquité quand il dit :

«  Les uns sont députés pour assister aux fêtes religieuses. Les autres sont envoyés par les gardiens des lois pour étudier les pratiques des cités étrangères : ils  visiteront terres et mers, entreront en contact avec les hommes les plus divins qui s'y rencontrent, prendront le bon partout. Sans ces sortes de voyages d'enquête, nul Etat ne demeure accompli. Les prescriptions des lois ne font que consacrer  une tradition : tout nomothète a couru le monde avant de fonder ou de réformer sa ville »66

Ce que nous avons vu sous d'autres cieux, entendu à d'autres sources, ce que nous avons compris en "voyageant" entre les lignes de l'histoire de l'humanité, nous laisse  la profonde conviction que la construction  d'une société, quelle qu'elle soit, passe avant tout, par l'éducation et l'instruction des hommes, la formation des compétences nécessaires à la vie et au développement de la société rêvée. Il s'agira donc  de donner à l'école dans la Francophonie, toute sa place et toute sa valeur, et ce, tant au Nord qu'au Sud.

Permettez-nous un détour avant de poursuivre nos propos. Deux petites histoires vécues, il y a de cela quelques années.

La première ayant pour cadre Moscou.

" Moscou, mois de janvier. Il est dix heures. Le thermomètre indiquait vingt-deux degrés C° en dessous de zéro. A la station de bus, deux jeunes filles, deux européennes. Le visage rouge de froid, elles  avaient du mal à se tenir sur place. L'hiver russe ne pardonne aucune légèreté dans l'habillement. Visiblement, elles ne sont pas des autochtones. A peine deux minutes sont passées depuis notre arrivée à la station... Et soudain une voix tremblante :

*  Hello Man

Ma réplique fut prompte :

Hello, ladies ! How do you do?

Silence plat. Les deux belles créatures, aux visages labourés par l'hiver, se jetèrent des regards furtifs, et pouffèrent de rire, mais se retinrent assez vite. Confuses! Alors, nous enchaînâmes coup sur coup trois questions: rouski ? Deutsh ?  Elles écarquillèrent de plus belle les yeux, et nous nous empressâmes de dire : français ? Elles répliquèrent presque ensemble, oui ! Vous parlez français? Notre réponse fut affirmative. Puis étonnées, elles enchaînèrent : vous venez de la France? Vous êtes français ? Non, avions-nous répondu. Alors où l'avez vous appris? Acculé de questions, nous leur avions laissé entendre que nous n’étions pas français, mais francophone. A notre grande surprise la question qui suivit fut celle-ci: c'est où, ce pays?...

Moralité : ces deux amies (elles ont devenues par la suite mes amies) ne savaient rien, ni de la francophonie, ni des liens d’histoire qui unissent nos deux pays. Alors comment partager un rêve pour l’avenir ensemble dans ces conditions ?

La seconde histoire se passait en 'Alsace, à Strasbourg,

Pour nous faire plaisir lors de notre tout premier séjour en France, notre frère alors étudiant en médecine  nous offrit un dîner avec quelques-uns de ses amis. Entre arôme de jus, saveur de gourmandises alsaciennes et cliquetis de fourchettes, nous échangions sur tous les sujets possibles (économie, politique, culture, sport, monde, France, Afrique). Et, soudain, un ami à notre frère se tourna vers nous et laissa entendre ce qui suit: mais les Russes ont une pédagogie formidable! En deux ans de journalisme vous connaissez tout ça ? Et tout ceci dans un français classique, qu'on ne retrouve que chez les Français d'un certain âge! Flatté et surpris à la fois, nous nous sommes empressé de lui dire que nos études en Russie se passaient en langue russe et non en français. Et cet ami de clamer que notre niveau de connaissance de la langue  et de la vie politique françaises était largement suffisant pour travailler dans une rédaction respectable française.  Il était fort heureux de pouvoir discuter de tout avec nous. Sincèrement, nous avions  été étonné  aussi de constater que nous pouvions discuter en partenaire égal avec ces amis français que nous venions de rencontrer pour la première fois. Comme dirait l'autre, on avait un minimum de répertoire commun, ce qui avait facilité la communication.

La leçon à tirer de cette histoire est double. La première est que la proximité linguistique entre nos interlocuteurs et nous a été un élément d’ouverture. Nous partagions quelque chose en commun : le français.

La deuxième leçon est un peu moins encourageante. Alors que nous étions en mesure de discuter de presque tous les sujets avec nos amis, ils n’avaient, en ce qui les concerne, que de très vagues idées sur le Bénin,  l’Afrique (l’Afrique est perçue comme un pays et non un continent) et  la Francophonie. Malgré toute notre modestie, nous avions eu l’impression d’être dans le rôle du bon colonisé qui devait démontrer à son maître ses aptitudes afin de se faire accepter comme personne humaine respectable. En terme peut-être savant nous dirions que l’asymétrie dans la volonté de connaissance réciproque était flagrante.

Tout ce qui précède est selon nous, le témoignage de la faillite des institutions scolaires et universitaires de la francophonie. Et s’il y a un certain manque d’intérêt des français et peut-être d’autres peuples aussi pour la francophonie, c’est parce que certains ont cru que la francophonie pouvait être une génération spontanée, qu’elle allait de soi.  C'est une erreur. Et pour corriger cette insuffisance il faudra mettre l’accent sur l’importance de l’école et de l’éducation dans le processus de construction de la francophonie en tant que défi d’une civilisation nouvelle.

 

  8.2 _Une Ecole nouvelle pour la francophonie.

 

Un homme politique français faisait remarquer il y a bientôt deux décennies ce qui suit : 

 

« ‘ Les Français ressentent moins que les peuples de certains de vos pays l’urgence de relever en commun les défis qui nous assaillent ; la prise de conscience des enjeux de la francophonie n’est pas en France au même niveau que dans d’autres pays de notre communauté, alors que l’importance des problèmes est la même pour tous ; il y a trop de tranquillité chez nous, on n’y mesure pas suffisamment les menaces qui pèsent sur notre destin ; scepticisme, indifférence, ou absence d’information ; je ne sais, mais l’avenir de la francophonie dépend autant de notre action que de l’adhésion de l’opinion publique et plus particulièrement des jeunes. La communauté francophone pour être vivante suppose que les peuples ressentent comme essentielle cette nouvelle fraternité, cette nouvelle solidarité. La francophonie ne doit pas être seulement l’affaire des gouvernements et des administrations. Elle ne trouvera sa véritable dimension que si chacun, dans nos pays respectifs, se l’approprie, si elle devient un état d’esprit partagé par les peuples francophones. »67

 

Comment peut-il en être autrement ? Si l’Ecole française n’éduque pas à la francophonie et si les mass-médias ne relaient pas le message, où les citoyens iront-ils s’initier à la Francophonie ?

Le rôle que la l’école est appelée à jouer au sein de la francophonie les années à venir peut s’étudier sous deux aspects.

 

Sous son premier aspect, nous pourrions parler de la démocratisation de l’éducation formelle dans l’espace francophone. Une démocratisation qui passerait par  une éducation minimum obligatoire pour les citoyens de l’espace francophone. Ce niveau minimum obligatoire pourrait être de « 10 classes » c’est-à-dire, le  niveau  BEPC du Cours Secondaire, encore appelé Enseignement moyen général. Cet aspect du rôle de l’école dans l’espace francophone est largement réalisé déjà dans les pays dits du Nord (France, Canada, Belgique etc.)

 

Cette tâche qu’on pourrait qualifier de minimum, reste encore un fardeau, dont les Etats du Sud ne parviennent point à se débarrasser. L’éducation généralisée et obligatoire reste une déclaration d’intention constitutionnalisée, agitée par moment, surtout à la veille des consultations électorales. De très bonnes intentions. Mais qui devraient devenir en principe, des critères de convergences, afin que chaque effort soit reconnu et encouragé.

 

Il est vrai que nous savons tous, l’ampleur des actions à mener au Sud. Il est aussi vrai que nous n’ignorons point les situations socio-économiques que vivent les pays du Sud. Alors, c’est le moment de dire qu’il faudra faire des sacrifices de chaque côte. On ne peut, et on ne saurait construire le dialogue francophone avec des franco-aphones. Comme dirait un proverbe de chez nous « On ne montre l’or qu’a celui qui peut le reconnaître. Les Etats du Sud doivent faire des efforts visibles et soutenus en matière  de scolarisation de leurs citoyens. . Mais dans cette œuvre, il va falloir innover, afin de trouver les moyens nécessaires et les méthodes nouvelles de mise en œuvre d’une vision. Il faudra des formateurs, une pédagogie nouvelle, des infrastructures, des outils pédagogiques.

Le Second aspect qui devrait concourir à l’émergence d’une classe moyenne comme nous l’évoquions, est le partage du rêve francophone, du désir de vie partagée, de la conscience du destin commun. Ceci ne sera possible que grâce à l’école " Nouvelle ".

Nous appelons Ecole Nouvelle celle-là qui trouverait une place pour des matières nouvelles spécifiques, comme l’histoire de la francophonie, la géographie,  l’économie de la francophonie etc.  Nous voulons dire une Ecole qui ferait une place véritable à des  Etudes  que nous appelons Etudes francophones exactement comme il existe de nos jours des Ecoles d’études européennes, américaines, asiatiques, et africaines. Logiquement ceci voudrait dire qu’il faudrait un paquet d’enseignements spécifiques à dispenser très tôt dans les bases classes et qui devraient préparer le terrain, à ce que nous avons   osé appeler « Etudes francophones », qui seraient de la compétence des  Universités, instituts et autres écoles Supérieures. Ceci suppose, la révision des programmes tant au Nord, qu’au Sud. Il y aurait des remous, des grincements. Certes. Mais c’est l’une des  conditions nécessaires à la réalisation  du projet de partage de rêve, et d’émergence de citoyens francophones décomplexés, enracinés dans leurs différentes cultures et ouverts à d’autres cultures.

Cet aspect du rôle de l’école ne sera pas moins difficile que le premier. Mais on devra y faire face en toute responsabilité.

 

       Extrait de : FRANCOPHONIE : le nécessaire dialogue des cultures est-il possible ? Cotonou, 2004



66   FESTUGIERE A.J. Contemplation et vie contemplative selon Platon. Paris, Librairie philosophique, 1950, p. 14

67 TETU M. La francophonie, histoire, problématique et perspectives. Québec : Guérin Littérature, p. 290.

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 23:15

FONTAINE  A  LARMES  (AFRIQUE)

 

Fontaine à larmes, croirait-on !

 

Ta vie : fontaine sans fond

Pour les larmes rouges de sang

Le sang de ma sœur de sang

La sueur de mon frère de rang.

 

Elles coulent et encore couleront.

Les sueurs panachées de sang

Elles roulent et toujours rouleront

Les yeux en furie irrigués de sang

Le sang de milliers d’innocents

 

Fontaine à larmes

Refuges des âmes sans armes

Asile des esprits enchaînés

Gîte des cœurs endeuillés

Sans fin seras-tu ?

 

Fontaine à larmes

Dans tes tréfonds :

La dignité humiliée

La personnalité bafouée

L’être violenté

De tes enfants

Ecrasés de douleur resteront-ils ?

 

Fontaine à larmes

Dans les recoins de tes fonds

La voix étouffée

Les yeux emmitouflés

Les bras dans le dos attachés

Les pieds cerclés

De tes enfants_ gouttes de ton sang !

Enchaînés éternels resteront-ils ?

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 22:29

 

 

Le dialogue tel que nous l'avons analysé jusque-là, est donc une activité humaine, concrète, consciente et volontaire. La réalisation de ce dialogue a besoin d'un environnement, qui est dans le cadre de notre discours l'espace francophone. Un environnement  dont nous venons d'identifier les atouts et les faiblesses, quant à sa capacité à offrir des conditions favorables à l'émergence  du dialogue des cultures francophones, le grand rêve de Senghor, qui fut un des tout premiers pionniers de la Francophonie. Le diagnostic posé sur l'état actuel de la francophonie, appelle la réunion de quelques conditions préalables à cette émergence du dialogue des cultures. Au nombre de celles-ci, la lisibilité d'une philosophie claire de la Francophonie et du dialogue francophone, l'émergence de leadership francophone (ce fut l’objet de nos derniers propos)  et d'une classe moyenne francophone acquise à la cause.

 

 1_ Une philosophie du dialogue francophone.

 

En février 1986, au premier sommet Didier Ratsiraka, alors président de Madagascar, disait que le temps était venu de changer le monde... de le transformer, si la famille francophone faisait preuve de courage et de volonté. Ceci suppose avant tout l’amorce d’ une réflexion sérieuse sur l'état actuel de ce monde, ensuite une conception claire du nouveau monde à construire, et enfin une analyse profonde des moyens à mettre en œuvre, pour la réalisation du ou des buts fixés. Procéder à ses différentes opérations intellectuelles, c'est déjà investir le champ, combien complexe de la philosophie.

Philosophie ou idéologie ou encore système d'idées, l'important n'est pas dans le mot qui désignera cette activité, que nous osons qualifier de hautement intellectuelle, dont l'objectif fondamental serait de penser, d'exposer, de structurer et de défendre la pensée philosophique francophone, en tant que courant de pensée et théorie d'action. L'espace francophone ne peut pas se construire en tant que communauté, sans un ciment spirituel et intellectuel, sans une philosophie intelligible et accessible au grand nombre. Une philosophie innovante et audacieuse, susceptible de transformer l'espace francophone en un polygone d'expérimentation de nouvelles valeurs de  civilisation, d'une nouvelle histoire de l'humanité, un espace où s'affirmeraient la liberté des hommes, leur raison, leur volonté, et leur capacité à bâtir un monde où "l'homme serait un Dieu pour l'homme" comme le dirait l’autre. Si la francophonie ne doit être que la reproduction de ce qui "est déjà", d'un monde où la minorité écrase la majorité, un monde où il faut savoir danser avec " les carnassiers sans être un loup" pour survivre, alors elle n'a pas sa raison d'être. Il est certes plus facile de le dire. Mais rien de beau et de durable ne s'obtient sans grands efforts. Il faut penser la francophonie, penser sa philosophie, ses valeurs car, l'art de la pensée est aussi synonyme de stratégie, ce que dira Morin E. en ces termes :

 

" Penser permet de concevoir et concevoir permet de penser59

En effet, à l'étape actuelle de la marche des peuples de l'espace francophone vers un dialogue effectif des cultures, formuler ou reformuler la pensée philosophique francophone est un impératif, et devrait constituer le programme majeur des penseurs de l'espace, en l'occurrence de ceux qui sont acquis à cette cause et qui croient en cette Utopie, nouvelle et positive, porteuse du futur. Ce travail théorique, intellectuel aura un double avantage, et une double mission. En premier lieu, il permettra de rompre avec la méthode de définition du dialogue francophone au coup par coup, selon le contexte, et partant offrira un système cohérent de vue, de vision du monde francophone à construire. Car, lorsque Senghor parlait d'humanisme intégral, il ne l'évoque que sous la forme de thèse, dans ses grandes lignes, un programme, avant tout philosophique qu'il revenait à l'élite de scruter, de développer, d'exposer, d'enseigner, de propager. Vous ne pouvez pas vous imaginer la misère intellectuelle observée chez les étudiants sur les problématiques de la francophonie ! Découverte par des bribes de citations d'hommes politiques par ces derniers, la francophonie a toujours paru une formule opportuniste pour régler dans un sens ou un autre, telle ou telle autre question. Qu'est ce que la francophonie ? Le dialogue francophone ? Ils n'en ont qu'une idée, vague, brumeuse, confuse et demeurent incapables d'en proposer une autre définition que la leur, personnelle. Mieux, nombreux sont ceux qui s'étonnent, et même, rejettent que la formulation et les premières approches de conceptualisation du rêve francophone sont d'origine africaine.

 

Nous avons en le temps de nous en convaincre définitivement en ‘’jouant’’ aux sondages d’opinion de nos étudiants trois années durant, en nous appuyant sur des extraits de poème publiés en 1993 dans ‘’Le Héraut’’, (n° 012,) l’organe d’information des étudiants de l’Université Nationale du Bénin.

 

Le premier extrait est ce qui suit :

Francophonie dites-vous ?

Parlez-moi de culture d’invasion

Parlez-moi de replâtrage colonial

Parlez-moi de rafistolage

 

Le second est ainsi libellé :

Francophonie dites-vous ?

Parlez-moi de franco fascisme

De franco négrisme

De franco racisme

De franco cannibalisme

 

Phagocytant

d’autres cultures sournoisement atomisées….

 

Alors le jeu, consistait, à chaque fois de savoir si les étudiants partageaient ou non une telle image (ou définition) de la francophonie ? Dans leur écrasante majorité leurs  réponses étaient toujours oui. Et quand il était question de s’enquérir de la justification de leur opinion, ils rétorquaient presque tous : « Pourquoi, elle (La France) a-t-elle créé cette organisation après avoir octroyé l’indépendance à nos pays ? ».

Allez donc comprendre quelque chose à cela.

En considérant que les étudiants sont des leaders d’opinion dans leurs milieux respectifs, on peut donc s’imaginer assez facilement quelle opinion, ils distillent, quelles pensées ils répandent, quelles idées de la francophonie ils forgent chez les autres autour d’eux consciemment ou non, par ignorance ou par conviction.

On devra aussi faire remarquer que tout étudiant est sensé devenir le cadre de demain, susceptible de travailler sur le front de la francophonie… Mais comment le fera-t-il ?

Alors si l’analphabétisme déjà soustrait la grande majorité des peuples du sud de la francophonie, qui reste-t-il si cette problématique ne suscite que réaction répulsive chez les étudiants ?

Elle ne sera que la ‘’chose’’ abandonnée dans les mains de quelques experts, que nous nous permettons de qualifier de fonctionnaires froids et calculateurs. Peut-être à tort ! Adlors, il faut faire un effort de travail de réflexion et de construction théorique de cet espace. Ceci passe par la production d’une pensée forte de la Francophonie.

 

L'autre avantage et la mission d'un tel exercice intellectuel sur le dialogue francophone est de lui éviter le "syndrome du colonisé", que nous résumons  par cette formule :

"Les tout premiers responsables du continent africain ont préféré un mauvais transfert du pouvoir politique, plutôt que  de continuer à lutter... Si la plupart des nationalistes de la première heure naviguaient sans boussole, et avec une vision imparfaite, les opportunistes qui les ont remplacés n'avaient, eux ni vision, ni boussole, expliquant la débâcle du continent"60

 

  N'y avait-il pas eu, quelque chose de napoléonien chez les Africains lassés des pratiques du colon, qui se sont dit : "on engage d'abord et après on voit ?" Ce n'est certainement pas le plus grave. Il est ailleurs et  réside dans le fait qu'une fois engagé, on s'interdit de poursuivre la réflexion, on s'interdit tout exercice intellectuel pour végéter dans la routine, l'improvisation conduisant à la débâcle, et à la sclérose de la pensée. C'est ce que vivent aujourd'hui les pays africains, étranglés par les problèmes de tous genres, mais incapables de conduire des actions bien réfléchies et cohérentes pour s'en sortir. Et ce, faute d'une pensée féconde, autonome intelligible sur les valeurs essentielles à promouvoir et à développer, et surtout faute d'une pensée féconde porteuse de grand destin pour l’Afrique.

A la place des grands idéaux que constituaient le panafricanisme, comme mouvement de reconstruction de l’Afrique balkanisée, et du nationalisme, comme volonté de formation, d’une conscience nationale et d’édification de l’Etat-Nation, l’Afrique continue de prôner un repli sur soi, un retour au passé en s’appuyant sur des idéologies ethno claniques. Des idéologies d’atomisation et de fragmentation des forces. On assiste à une sorte de rupture  volontaire d’avec les idéaux, pourtant assez nobles. Or à ce jour la grande majorité des acteurs du dialogue francophone à développer et à promouvoir est au Sud, en particulier en Afrique, où l'exercice volontaire et autonome de l'activité intellectuelle, semble avoir cédé la place à une activité intellectuelle par procuration. Tout travail sérieux de conception du devenir du continent semble être abandonné dans les mains des institutions internationales et autres organismes de bienfaisance, transformant du coup tout le potentiel intellectuel endogène en main d'œuvre sous-traitante. Ce refus de penser et de concevoir l'avenir a produit les effets que nous observons tous et partout ; effets qui ont conduit le continent à une sorte de ghettoïsation. Autant les nationalistes étaient restés sans ambition, sans vision et sans projection dans le futur,  favorisant décadence  gabegie et errements chez eux, autant les panafricanistes nourris de quelques idées revenues de l'Outre-mer, et relayées par certains leaders africains, ont oublié de poursuivre la réflexion stratégique sur le continent à ressouder, encourageant largement par la même occasion la perpétuation de l'Afrique balkanisée. Toute action se nourrit de la pensée, d'une pensée féconde et fécondante, donc exprimée et expliquée, processus sans lequel l'idée ne saurait soulever la masse, la galvaniser pour des actions collectives.

Se contenter de quelques réunions au sommet, de quelques journées et jeux, dits de la francophonie, pour conclure à la réalisation du rêve senghorien, le rêve d'un humanisme intégral, le rêve de la civilisation de l’universel, c'est avoir une lecture très réductrice de l'idéal pour lequel ce penseur s'est battu.

La francophonie, le dialogue francophone doit se nourrir de pensée permanente, sans cesse revisitée, sans cesse renouvelée, sans cesse  approfondie, dépouillée, réajustée et remise au goût du jour. Pour l'instant ce n'est pas l'impression qui se dégage de nos observations. La francophonie n'est pas une matière qui attire grand monde  sincère et engagé pour la cause. Si c'était le cas, c'est beaucoup plus pour les francofrics, que ni les francophobes, ni les pseudo-francophiles n'hésitent à puiser, quitte à se retourner peu après pour crier : "ils nous empêchent de travailler sur nos langues nationales" alors qu'ils venaient de faire l'apologie de la langue de Molière. Ce franco-opportunisme ambiant a bien intérêt à voir se conserver le statut quo. En l'absence de tout discours cohérent, intelligible et transparent, pêcher en eau trouble serait toujours possible. La francophonie n'attire pas du monde, car insurmontables sont les préjugés. Pour les, uns il faut surtout éviter de se faire taxer de "nostalgiques d'un passé glorieux de dominateur". Pour les autres, il ne faudrait surtout pas se faire passer pour "des chiens couchants de l'impérialisme", donc d'apatride. Ainsi, on observe sans mot dire et un jour vient, on fait des discours sur la famille francophone et sur l'état du français dans le monde et le lendemain, on conjugue la francophonie au passé. Une hypocrisie,  un double langage sur la francophonie qui permet d'avoir une image pour les besoins de l'intérieur (défenseur des valeurs nationales face aux valeurs étrangères), une autre pour l'extérieur qui permet de se faire passer pour un homme ouvert sur le monde et sur les autres cultures. Certes cette manière de faire ou plutôt d'être n'est pas nouvelle chez les intellectuels africains. Certains l'auraient (cette double personnalité) appelée  stratégie de survie en temps d'oppression coloniale. Si stratégie, il y avait, elle est viciée et perverse. Sinon comment comprendre que dans le seul but d'atteindre le sommet de la société coloniale déjà, l'Africain comme l'a fait remarquer Dossou-Yovo N. :

 

« fit de son mieux pour s'incruster dans la culture de l'homme blanc. Il en arrivait, nécessité oblige, à se doter d'une personnalité double qui le faisait agir en européen en son lieu de travail et en certaines circonstances, tandis que chez lui au milieu des siens il pouvait changer presque tout de son comportement d'évolué"61

 

Cette capacité extraordinaire de dédoublement de l'intellectuel africain,  a été et demeure encore l'une des sources de nos malheurs, puisqu'elle s'est  révélée un facteur bloquant de toute démarche consciente de synthèse des valeurs reçues de nos divers contacts avec l'extérieur. Cette capacité de dédoublement a nui à l'Afrique. Elle peut être aussi nuisible pour la francophonie, un espace à construire, un monde à créer.    

C'est le lieu d'adresser une critique envers les intellectuels, l'élite du savoir  francophone. La dynamique sociale ne peut s'appuyer que sur la synergie des trois forces que sont : l’élite du pouvoir, l'élite de l'avoir, et bien – sûr, celle du savoir. L'élite du pouvoir organise et gère la vie de la collectivité. Celle de l'avoir entreprend, mène les affaires qui produiront le pain à la société, et l'élite du savoir est une usine à produire les idées d'importance sociale, économique, et politique. C'est elle qui nourrit spirituellement et intellectuellement l'élite du pouvoir et de l'avoir. Elle est, ce que Edgar MORIN appelle :

 

« Le descendant d'une antique tradition celle des prêtres mages, énonciateurs de la vérité sacrée, producteurs / gardiens des mythes »62

 

Malheureusement, cette élite du savoir en Afrique aujourd'hui, a perdu elle-même le compas, fouettés par les conditions désastreuses, à elle faites par l'élite du pouvoir soucieux de sa longévité au pouvoir souvent mal acquis. Et là encore elle doit payer pour sa capacité de dédoublement. Hier turbulente et prête à défaire tous les gouverneurs coloniaux au non de la liberté des peuples et aujourd’hui incapables de voir le mal qui a anéanti les rêves de l'édification de sociétés saines, prospères, bien gérées et unies en Afrique. Alors,  comment ne pas  avoir des doutes aussi pour le rêve francophone ? L'échec de l'Afrique est aussi l'échec de l'élite du savoir, des universitaires. L'échec du dialogue francophone sera aussi le leur. Il est donc impérieux d'aider l'élite du savoir à retrouver son compas. Il  faudrait le lui redonner. Et ça, c'est bien-sûr le travail de l'élite du pouvoir qui a le devoir de créer les conditions matérielles, morales et psychologiques adéquates à l'activité intellectuelle féconde et dynamique à tous les niveaux dans l'espace francophone.

Donnez- leur le compas, et ils se transformeront  en bâtisseurs et en architectes du présent et de l'avenir. Donner le compas, c'est d'abord commencer par prendre le savoir au sérieux. Le savoir est sacré tout autant que celui qui le détient et le livre. Donner le compas, c'est aussi donner les moyens adéquats de travail et les conditions de vie acceptables aux chercheurs, aux universitaires. Et enfin, donner le compas, c'est aussi mettre fin à ‘’la rationalisation politique’’ de tout débat et de tout comportement.  Il faut cesser de tout expliquer par des motifs politiques. Il faut arrêter de voir partout, des aigris, des opposants, des malintentionnés... Il faut arrêter de chercher partout :

 

"Une causalité diabolique  qui  a recours inlassablement et sempiternellement au complot des forces maléfiques pour expliquer toutes difficultés"63

.

On ne saurait interdire les débats à des intellectuels. Il faut seulement que ce soit des débats sains. Il faut travailler à faire des universités  non, des succursales du multipartisme intégral, violent, arrogant et clientéliste, mais, un haut lieu de débats libres, scientifiques et fructueux. Des débats d'importance sociale capables de servir de ferment à des actions positives et créatrices d'un futur meilleur. Là est la véritable mission des universités. Pour l'instant nos universités francophones se situent dans une logique contraire à celle exprimée par Ki Zerbo. Elles sont des îlots d'étincelles mises sous le boisseau dans un océan de ténèbres. Elles brillent par leur absence dans les grands débats de société, dans les choix politico-économiques, laissant malgré elles, l'élite du pouvoir et de l'avoir piloter à vue la destinée des peuples torturés d'abord par l'esclavage, le colonialisme ensuite et enfin par des pouvoirs personnels et corrompus des indépendances, et du renouveau qualifié pompeusement de démocratique où clientélisme et pratiques affairistes et mafieuses ruinent des sociétés qui ont tout pour être prospères.

A ce tournant de notre histoire, et de la marche vers le dialogue des cultures francophones,  où plus que jamais nous avons besoin, d'un réarmement et d'un cheminement, à la fois, moral, spirituel, intellectuel et culturel, laisser les universitaires dans leur état actuel de léthargie, de décrépitude et de crises perlées, c'est accepter la faillite totale comme seule voie pour nos pays, et par conséquent pour la francophonie, qui ne manque  pas pourtant d'atouts considérables pour relever les défis présents et futurs à nous signifier par Senghor. 

Nous voulons dire pour conclure sur cette question, que la francophonie est un projet. Peut-être beau. Peut-être grandiose. Un projet quand même. Pour la construire, il faudra réunir, en plus de ce que, Chaudenson R. appelle "le seuil minimal individuel de compétence" en français pour mériter la qualité de francophone ( SMIC),  un "seuil minimal d'éthique et de déontologie communes"(SMEC ) pour mériter de participer au dialogue francophone. Parler d'éthique, c'est penser à des valeurs, à des modèles et à des repères. La déontologie, quant à elle, fournit à une communauté les  règles du jeu ; et qu'est-ce qui peut bien le faire dans ce cadre qui est le nôtre, si ce n'est une philosophie de la francophonie elle-même. La preuve qu'une telle philosophie n'existe pas encore, est le spectacle qu'offrent aujourd'hui certains états francophones d'Afrique, prétendus membres de la francophonie qui s'entre-déchirent, se suspectent, se calomnient, terrorisent leurs propres citoyens, les affament Que partagent-ils (ces pays) vraiment sur le plan  spirituel et éthique ? Et quelles règles de déontologie observent-ils ? Ou à défaut, lesquelles leur impose leur appartenance commune à la Francophonie ? Quelle philosophie ont-ils  de l'espace et du dialogue francophones tels que présentés de nos jours ?

Un événement du mois de novembre 2002, est venu nous conforter énormément dans nos convictions qu'à la francophonie, il manquait une activée hautement intellectuelle soutenue, une dimension philosophique. Du moins, un événement qui vient montrer que la philosophie a commencé par manquer à toute l'humanité, à toute la société des hommes. L'UNESCO a proclamé, pour la première fois de son histoire, une journée internationale de la philosophie, la journée du 21 novembre. Tant la vie est une chose trop sérieuse, pour se laisser gérer par les seuls marchés financiers, tant la francophonie l'est pour se laisser construire par les seuls démographes,  les linguistes et les politiques.

Il ne s'agira pas de quitter une extrême, source de cafouillage et d'improvisation, pour une autre, source de bavardage savamment structuré  et magistralement administré, source d'immobilisme. En toute chose, il faut de la mesure. Le sage n'a-t-il pas enseigné que :

«  La philosophie est chose agréable si on y touche avec mesure, dans l'adolescence. Mais  si on la pratique plus qu'il n'est convenable, elle ruine l'humanité. (...)" 64

                                                      

Un plaidoyer en faveur d'une activité intellectuelle vigoureuse nourricière de l'action francophone, ne sera bénéfique que si cette activité s'appuyait sur des hommes capables de saisir et de transmettre à la grande masse, les enjeux  du projet francophone, et de la mobiliser pour des tâches concrètes en vue de la réalisation de ses objectifs. Nous voulons nommer : des leaders de la cause francophone.

 

Cet texte est un extrait d’un Essai que nous avons publié en 2004, sous le titre : Francophonie : le nécessaire dialogue des cultures est-il possible ?



59 MORIN  E. Pour sortir du XX ème siècle Paris : Fernand Nathan, p.

60  HOUNKPONOU M. L’Afrique au passé recomposé. Paris : l’Harmattan, p.157

61 DOSSOU-YOVO N. Négrisme, racisme et nationalisme périphérique. Bénin : UNB, p. I33

62 MORIN  E. Pour sortir du XX ème siècle. Paris : Fernand Nathan, p.242

63 62 MORIN  E. Pour sortir du XX ème siècle. Paris : Fernand Nathan, p.242

64 FESTUGIERE A.J. Contemplation et vie contemplative selon Platon. Paris, Librairie philosophique, 1950, p. 14 

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28 mars 2012 3 28 /03 /mars /2012 10:00

                   Leadership francophone : décomplexer les acteurs

 

Il existe certainement une multitude de définitions à la notion de leader. Mais pour nous un leader est le meilleur représentant d'une cause, le meilleur défenseur de ladite cause, et un rassembleur d'hommes susceptibles de partager sa vision et ses aspirations profondes. Il est un meneur, dans le sens très positif du terme. Un leader est un  visionnaire, convaincu, intrépide et un homme d'action. Il incarne à la fois vision, conviction et action concrète.

De ce point de vue, nous excluons, de cette catégorie  de personnes,  les chefs d'Etats et de gouvernements, qui ne sont "leaders" que, parce qu'ils ont par le hasard de la vie, eu le privilège de se retrouver à la tête d'un Etat membre de la francophonie. La plupart d'entre eux n'ont qu'une approche opportuniste de la francophonie, comme un élément de préservation des "bonnes relations d'amitié" entre untel pays et le leur. Et, plus rien d'autre.

Un leader incarne à un moment donné les grandes causes, les grandes aspirations d'un groupe d'individus, d'un peuple, d'une nation ou simplement de l'humanité. Un tel leader, nous le voyons dans le modèle à nous donné par l'histoire encore récente des Etats Unis d'Amérique, en la personne du regretté King M. L. qui a fait un rêve pour l'Amérique. Nous rêvons d'un tel modèle de leader pour la Francophonie.

" Je fais un rêve..." Ce discours désormais historique, était adressé à des milliers de manifestants devant le Lincoln Mémorial, lors de la marche sur Washington en août 1963. Il y a de cela une quarantaine d'années, lorsque la voix de King M. L. s'élevait dans cette foule l'Amérique pratiquait ni plus, ni moins l'apartheid, une politique ségrégationniste. Les noirs, fils  d'anciens  esclaves ne pouvaient aller dans le même  établissement d'enseignement, ni dans le même restaurant. Dans les transports publics il y avait, réservées pour les Américains blancs leurs, et aux noirs les leurs... Une mesure qu'une femme osa braver un jour, une journée assez froide et de dur labeur du mois de décembre 1955. C'était l'affaire Rosa Parks, à Montgomery dans l'Alabama... Aujourd'hui l'Amérique change. Le rêve se réalise. Et même si la terre promise n'est pas encore atteinte, King M. L. a donné la leçon, tracé la voie, et posé les premiers pas sur ce chemin qui est celui de la lutte pour la conquête des droits civiques. King M. L a fait un beau rêve et y a cru et le rêve est devenu réalité. On peut affirmer aujourd'hui, que le " je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Georgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité" est en train, même à petits pas, de s'accomplir aux Etats Unis d'Amérique. Mais pour cela, il a fallu, mobiliser, organiser, théoriser et vulgariser l'idée de la lutte. Et il a fallu quelqu'un pour le faire et ce fut King M. L. qui certes, a continué un combat entamé par ses aînés. Mais il a su cristalliser et incarner le rêve de tous. 

Nous ne nous sommes pas trompé de sujet. Nous avons voulu montrer par cet exemple, historique et célèbre, ce qui manque à la francophonie. Il lui manque un ou des hommes de grandes convictions. Nous avons tendance à confondre, ces petits et grands  fonctionnaires, que nous osons appeler « agents froids », calculateurs uniquement soucieux de leurs petits intérêts, très habiles à jouer le jeu, même sans conviction la plupart du temps, tant que leur sont garantis les francofrics. Ils ne connaissent que les chiffres. Ils en raffolent mais ne peuvent formuler de manière cohérente un discours clair sur la pensée francophone, sur la finalité de leurs actions. Nous sommes tentés de dire qu'ils sont incapables de penser "la pensée francophone", de l'internaliser. Malheureusement, ils sont les plus nombreux pour le moment. Ils arpentent les escaliers des instances de la francophonie, sont les plus assidus aux réunions, aux forums francophones, sont inscrits sur les listes de nombres d’associations et d'organisations nationales et ou internationales francophones, sont entre deux avions mais sont rarement disponibles à soutenir et à défendre ouvertement le projet francophone. A cela, une explication  aussi simple qu'incompréhensible: « Le complexe du colonialisme », qui selon le cas amènerait les uns à croire qu'ils seraient traités de  « nostalgiques d'un passé glorieux révolu », et les autres comme des  « complices, des valets locaux de. » Si ce complexe était encore compréhensible pendant la colonisation et au lendemain des indépendances, aujourd'hui, il ne l'est plus quand on sait que la famille   francophone s'élargit d'année en année et que les Sommets de chefs d'Etats et de gouvernements ont atteint le chiffre " magique de 9", après le dernier qui s'est tenu au Liban en octobre 2002 et qui aurait connu la participation de cinquante - cinq Etats.

L'absence de leadership clairement affiché pour la francophonie est donc le deuxième grand handicap à la réalisation de ce grand projet humain et humaniste dont les germes ont été semés par L. S. Senghor, après l'inexistence d'une pensée, d'une philosophie claire de l'action francophone. Ainsi, jusque - là, au sein de la francophonie, une sorte de " stratégie de l'abeille" est mise en œuvre. Dans cette situation on ne doit pas s'étonner d'avoir autant d'architectes du projet, que de membres participants à la francophonie. Chacun y va avec sa vision (sa confusion), ses objectifs et ses intérêts qu'il ne prend point la peine d'exposer. Voyez, ô combien laborieuse fut la désignation d'un nouveau Secrétaire Général à la tête de la francophonie ! Quels ont été les critères qui ont milité en faveur de l'un ou de l'autre ? Quelle est la vision de l'élu sur la francophonie ? Avec qui l'a-t-il partagée ? Et lorsque le perdant. parle d'opacité dans le choix du candidat qu’y a-t-il vraiment de nouveau ?   Cette opacité est la principale "qualité" de la francophonie qui à la limite demeure une chose pour initiés, pour experts et politiciens de la haute sphère.  Notre vision de la francophonie est tout autre. Elle devrait être pour tous, pour tous les peuples avec leurs  différences. Cette  différence, nous la voyons comme une différence dans la transparence. Nous la  voyons, la francophonie comme un grand orchestre symphonique, qui selon les mots de Souty J  est :

«  Une mise en commun des talents personnels, un effacement des intérêts particuliers au profit de la réalisation d'un idéal artistique collectif »65

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



65 In Sciences Humaines n° 129 Juillet 2002, p. 48

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